LORSQUE L’ÉMOTION REMPLACE L’INFORMATION
De quoi parlent d’ordinaire les informations ? De ce dont n’importe qui pourrait parler, tant il est facile de rester à la surface des choses. La raison, évidemment, n’y trouve pas son compte, car son domaine est celui de la profondeur, non du superficiel.
Mais l’émotion a un avantage : elle est fédératrice, alors que la raison divise. Tandis que celle-ci requiert l’intelligence et la connaissance – ce qui ne la rend pas accessible à qui le voudrait –, celle-là possède instinctivement tout en elle, et n’a donc besoin de rien d’autre pour exister.
Là est le danger : par l’émotion, on réagit en plein accord avec soi, car on est sûr de soi ; par la raison, au contraire, on pense… y compris contre soi !
Mais encore faut-il que cette dernière puisse bénéficier d’un système d’informations digne d’elle, c’est-à-dire axé sur les grands problèmes de notre temps, comme la permanence de la crise économique au sein des pays riches, l’opposition « Nord-Sud » et les famines qu’elle engendre, le grand écart entre les salaires des gouvernants et ceux des gouvernés, la menace djihadiste, l’islamisation de l’Europe, la criminalité galopante, les violences urbaines et les risques de guerre civile qu’elles contiennent, la possibilité d’un affrontement armé entre les États-Unis et l’Iran, la montée en puissance de la Chine… et j’en passe !
Lorsqu’un pouvoir démocratique occulte volontairement ce qui s’impose à l’évidence comme incontournable, c’est tout un peuple qu’il cherche à noyer dans les eaux claires de l’inutile : l’incroyable quantité de jeux télévisés ou d’émissions de variétés en est une preuve parmi d’autres.
C’est oublier cependant que la démocratie a d’autant plus d’importance qu’elle est l’importance même, car sans elle, point de liberté ! Le peuple ne s’y trompe pas, et le pouvoir non plus – qui fait tout pour affaiblir la démocratie à des fins personnelles !
Maurice Vidal