“L’ÉGLISE EST PLONGÉE DANS L’OBSCURITÉ DU VENDREDI SAINT” (7/10)
On parle aussi beaucoup de synodalité, de collégialité. Vous pointez dans votre livre le risque que des conférences épiscopales se contredisent entre elles. Craignez-vous qu’une réforme du centralisme de l’Eglise romaine mette en danger son unité ?
CARDINAL SARAH : Le Christ a fondé une Église dont le mode de gouvernement est hiérarchique :
Le premier responsable de l’Église, c’est le pape.
Le premier responsable de l’Église locale, c’est l’évêque en son diocèse, et non la Conférence épiscopale, qui est utile pour échanger, pas pour imposer une direction. Je pense qu’il faut retrouver cette responsabilité première du pape et de chaque évêque. Les grands évêques de l’histoire, Ambroise ou Augustin, ne passaient pas leur temps à faire des réunions à droite, des commissions à gauche, des voyages continuels. Il faut que l’évêque soit avec son peuple, enseigne son peuple, aime son peuple.
Une Conférence épiscopale n’a pas d’autorité juridique, ni de compétence propre dans le domaine de la doctrine. D’ailleurs, je constate tristement qu’il y a déjà des contradictions entre les conférences épiscopales, ce qui ne favorise pas la sérénité des chrétiens. « Qu’ils soient uns », a dit le Seigneur, pour que cette unité provoque la foi. Si nous continuons dans cette direction qui consiste à mettre à mal l’unité doctrinale et morale, nous contribuerons à accroître l’incroyance.
Beaucoup de nos contemporains voient l’Eglise comme une organisation totalitaire, qui va leur imposer une façon de vivre. Vous affirmez au contraire que c’est l’Eglise qui est le rempart contre le totalitarisme contemporain…
Ce sont les idéologies nouvelles qui imposent un changement radical de la morale, de l’anthropologie humaine, une nouvelle vision de la famille, de la sexologie, avec des pressions importantes, financières et médiatiques. L’Église n’impose rien, elle ne fait que proposer. Mais c’est sa mission de proposer l’enseignement de Dieu au monde.
Vous allez jusqu’à renvoyer dos à dos la « barbarie islamiste » et la « barbarie matérialiste », au risque de choquer…
En tout cas, c’est ma conviction ! Ce sont deux démons, qui ont peut-être des méthodologies différentes, mais ils agissent dans la même direction. Le matérialisme nous éloigne radicalement de Dieu et de l’homme intérieur. L’islamisme aussi. Dieu ne peut pas inspirer la barbarie. Tuer quelqu’un parce qu’il ne partage pas votre foi ? Faire éclater une bombe dans un bus et tuer des innocents au nom d’Allah ? C’est chose impossible à Dieu.
Mais la barbarie matérialiste n’a pas pour objectif affiché la destruction, elle prétend amener l’homme au bonheur de la libération…
C’est détruire un homme que de lui dire : « Tu es libre de choisir ton sexe. » C’est en réalité la liberté de se détruire. Mais Dieu seul nous rend libres ! De nos jours, que de destructions humaines, sous prétexte de liberté ! Au nom de cette même liberté, on détruit beaucoup de jeunes par la pornographie. L’homme s’autodétruit ; Dieu, lui, crée, pour que l’homme ait la vie, et la vie en plénitude.
Publié dans Valeurs Actuelles
le 27/03/2019