“DOUCE FRANCE, OÙ EST PASSÉ TON BON SENS ?” (Sonia Mabrouk (5)
Autre sujet d'actualité : les vegans… Ils semblent vraiment vous inquiéter !
Sonia Mabrouk : Parce que leur projet est indiscutablement totalitaire. On dénonce parfois le projet politique contenu dans certaines idéologies comme l'islamisme, et on a raison de le faire. Mais c'est pareil avec le véganisme : c'est un projet politique qui est écrit, imaginé, conceptualisé…
Je ne parle évidemment pas de ceux qui changent leur façon de vivre ou de manger, mais de ceux qui s'invitent sur les plateaux de télévision avec un discours ultrarodé…
Vous avez des tenants de ce véganisme radical qui publient des écrits, qui ont un discours très structuré et que l'on invite innocemment sur les plateaux alors qu'ils risquent de miter notre société. On s'y intéresse parce que le discours est “nouveau”, ça ne veut pas dire qu'il est bon ! Je ne supporte pas le séparatisme dont ils se revendiquent. Comment vivrait-on sans animaux ? Oui, cela m'inquiète.
Quand on écoute les élites proclamées ou autoproclamées, on se rend compte qu'elles ont un avantage sur nous : elles sont dans le milieu médiatique depuis très longtemps avec une certaine manière de penser et elles ont un discours sur tout.
Les néologismes qui fleurissent par ailleurs dans les débats vous agacent. Avez-vous un exemple précis ?
C'est sensible, mais je pense instantanément au mot “féminicide”. J'ai un vrai problème avec ce terme. C'est un mot qui tend à cacher d'autres réalités que sont les violences intrafamiliales et qu'on ne peut ignorer.
C'est un mot parapluie qui me gêne. Il y a une autre expression qui me surprend : le terrorisme machiste. Cela vient d'Espagne, ça a été repris par Marlène Schiappa (qui, sur la forme, a le mérite d'affirmer ses convictions, ce que j'aime !) et nous sommes dans la surenchère idéologique pure. La réalité est là, les chiffres sont là, c'est terrible, mais ces néologismes risquent d'être pires que tout, sans rien régler.
L'ensauvagement de la société pose la question de l'autorité. Vous la trouvez manquante, notamment à l'école…
C'est comme pour l'identité ! Quand vous dites “autorité”, certains pensent immédiatement autoritarisme, quelque chose de fermé, de ringard. Moi, j'ai une autre vision de ces valeurs-là. On m'a toujours appris que l'autorité était une valeur fondamentale de notre école. J'appelle cela du bon sens.
On pourrait finir par croire que vous êtes conservatrice, ou que vous remettez en cause l'héritage de Mai 68 !(Rires.)
J'accepte totalement les étiquettes que chacun me colle ! Mais dans le fond, je crois que peu importe que vous soyez conservateur ou progressiste : il faut parfois revenir au bon sens.
Pour ce qui est de Mai 68, ce que vous dites est assez juste… Mais mon cheminement n'a pas été idéologique. J'ai commencé par mon combat contre l'islamisme, et j'ai vite compris que tout était lié. Je ne pouvais pas parler de civilisation sans parler d'identité, d'identité sans parler d'école… Je suis parvenue à ces conclusions petit à petit, et mon opposition croissante à Mai 68 a été quasiment inconsciente.
Quand on écoute les élites proclamées ou autoproclamées, on se rend compte qu'elles ont un avantage sur nous : elles sont dans le milieu médiatique depuis très longtemps avec une certaine manière de penser et elles ont un discours sur tout. Et parce qu'elles ont un discours sur tout, ça devient le discours dominant. J'ai voulu insérer une de mes convictions, un de mes combats dans un projet de société qui serait irrigué par le bon sens.
Entretien animé par Charlotte d'Ornellas et Geoffroy Lejeune
Publié par Valeurs Actuelles le 11 septembre 2019
“Douce France, où est (passé) ton bon sens ?”,
de Sonia Mabrouk,
Plon, 176 pages, 19 €.