VIVE LE QUÉBEC LIBRE…
Le , le général de Gaulle embarque à bord du croiseur Colbert à Brest ; ce moyen de transport maritime fut délibérément choisi pour lui permettre d'éviter le protocole qui commandait l'arrivée aérienne via la capitale fédérale, Ottawa ; chose qu'il ne pouvait se résoudre à faire, ayant été invité par le premier ministre du Québec, Daniel Johnson, plutôt que par le gouvernement canadien.
Durant la traversée, il confie à son gendre Alain de Boissieu : « Je compte frapper un grand coup. Ça bardera, mais il le faut. C'est la dernière occasion de réparer la lâcheté de la France9. »
Après une brève escale à Saint-Pierre-et-Miquelon le 20 juillet, De Gaulle débarque à Québec le 23 juillet pour un voyage de quelques jours au Québec et une journée prévue à Ottawa.
C'est la première visite officielle d'un chef d'État français dans l'ancienne colonie. Ces retrouvailles symboliques franco-québécoises sont hautement importantes pour le gouvernement du Québec, mais sont appréhendées par le gouvernement fédéral canadien.
De Gaulle prononce un premier discours dans la ville de Québec, dans lequel il insiste sur l'identité commune des Français et des Québécois.
Le lendemain, 24 juillet 1967, il emprunte le Chemin du Roy reliant la ville de Québec à celle de Montréal. À chaque étape, il est salué comme un libérateur par une foule qui agite des pancartes sur lesquelles est inscrit : « France libre », « Québec libre », « Vive le Canada français ! ».
Arrivé à Montréal, il est reçu par le maire, Jean Drapeau, et s'adresse du balcon de l'hôtel de ville à une foule débordante d'enthousiasme, terminant son discours par les mots célèbres : « Vive Montréal ! Vive le Québec ! Vive le Québec… libre ! Vive le Canada français et vive la France ! ».
Selon l'anecdote, rapportée dans les mémoires de ses principaux collaborateurs, mais également de son fils, l'amiral Philippe de Gaulle, il n'était alors pas prévu par les autorités montréalaises que le général s'adressât à la foule ; au contraire le maire avait prévu une très conventionnelle adresse aux notables dans une simple salle de réception. Quelque peu étonné par le caractère étroit de ce programme, alors que la population réclame que le général puisse s'adresser à elle, son garde du corps Paul Comiti repère les micros du balcon si bien que De Gaulle fait réinstaller la sonorisation. Le président prend alors l'initiative de s'adresser directement aux Montréalais rassemblés devant l'hôtel de ville10.
La célèbre phrase « Vive le Québec libre ! » prononcée à cette occasion par le général à la fin de son discours, doit être située dans le contexte du soutien du général de Gaulle à la souveraineté du Québec.
Lors de sa conférence de presse du novembre 1967, le président français fera la déclaration suivante : « Que le Québec soit libre c'est, en effet, ce dont il s'agit. Cela aboutira forcément, à mon avis, à l'avènement du Québec au rang d'un État souverain, maître de son existence nationale, comme le sont par le monde tant et tant d'autres peuples, tant et tant d'autres États, qui ne sont pas pourtant si valables, ni même si peuplés, que ne le serait celui-là ».
D'autre part, le général de Gaulle, expert en politique internationale et fort de sa propre expérience, a pleinement conscience du fait qu'un appel de ce genre va contribuer à faire connaître le Québec hors du Canada et en particulier le caractère francophone de cette province canadienne, alors négligé par les autorités fédérales. « Cela fit gagner dix ans au Québec » écrivit-il plus tard.
Au Québec même, personne ne s'y trompe, puisqu'autant les opposants que les soutiens de cette déclaration sont d'accord pour reconnaître son impact immense, à commencer par le rédacteur en chef fédéraliste du quotidien montréalais Le Devoir, Claude Ryan, qui, dans un célèbre éditorial, écrit que le général de Gaulle vient d'inscrire le Québec sur la carte du monde.
En revanche, les Canadiens anglophones, et notamment le gouvernement fédéral d'Ottawa, sont choqués par cette déclaration prise au premier degré, pensant que le général de Gaulle a appelé à l'indépendance du Québec.
Le général décide donc de quitter directement le Québec après ce voyage, sans passer par Ottawa, qui était normalement l'étape finale de son séjour canadien.
Plus symboliquement, le général de Gaulle a reconnu que cette déclaration, par son impact indéniable sur la reconnaissance internationale du Québec comme une entité linguistique et sociologique distincte, venait effacer la dette de la France à l'égard du Québec qui était représentée par l'abandon de la Nouvelle-France par la mère patrie en 1763.
Sources : Wikipédia