« VOILÀ, J’APPARTIENS A UNE MINORITÉ » (Benjamin Stora)
Synthese nationale.hautetfort : « « Les lacunes du rapport Stora. L’historien Benjamin Stora a été choisi par Macron pour travailler sur la propagande de la réconciliation des mémoires de l’Algérie française ».
Bernard Lugan nous fait part de ses réflexions sur ce rapport que les Harkis contestent. La mémoire algérienne ne repose plus sur une artificielle construction idéologique car, comme l’a joliment écrit l’historien Mohammed Harbi : « L’histoire est l’enfer et le paradis des Algériens ».
« Enfer parce que les dirigeants algériens savent bien qu’à la différence du Maroc millénaire, l’Algérie n’a jamais existé en tant qu’État et qu’elle est directement passée de la colonisation turque à la colonisation française. Paradis parce que, pour oublier cet enfer, arc-boutés sur un nationalisme pointilleux, les dirigeants algériens vivent dans une fausse histoire authentifiée par une intelligentsia française… dont Benjamin Stora fait précisément partie. Voilà pourquoi, dans l’état actuel, la réconciliation des mémoires est impossible ».
« Voilà aussi pourquoi toutes les concessions successives, toutes les déclarations de contrition que fera la France, seront sans effet tant que pour l’Algérie, la rente-alibi victimaire obtenue de la France par les visas est un pilier de sa propre histoire et de sa philosophie politique. Au moment de l’indépendance, la priorité des nouveaux maîtres de l’Algérie fut d’éviter la dislocation. Pour cela, ils plaquèrent une cohérence historique artificielle sur les différents ensembles composant le pays à travers deux axes principaux :
1) Un nationalisme arabo-musulman niant la composante berbère du pays : Résultat, les Berbères furent libérés de la colonisation française qui avait duré 132 ans pour retomber dans une colonisation arabo-musulmane qu’ils subissaient depuis plus de dix siècles…
2) Le mythe de l’unité de la population levée contre le colonisateur français, à l’exception d’une petite minorité de collaborateurs, les Harkis. Or, la réalité est très différente puisqu’en 1961 250.000 Algériens servaient dans l’armée française, alors qu’à la même date, environ 60.000 avaient rejoint les rangs des indépendantistes. Or, cette fausse histoire constitue le socle du Système algérien, lequel se maintient contre le peuple, appuyé sur une clientèle régimiste achetée par les subventions et les passe-droits. Ce Système qui, à chaque fois qu’il est en difficulté intérieure, lance des attaques contre la France ».
Le Salon beige : « Le rapport Stora ne permettra pas la réconciliation des mémoires. « Dans le rapport que Macron a (payé $) à Stora pour réconcilier les mémoires sur la guerre d’Algérie, l’historien officiel s’est efforcé, pour plaire à son maître, d’appliquer la règle du « en même temps ». Des pages sur Maurice Audin, mais une seule ligne sur le massacre de près d’un millier de Pieds-Noirs enlevés au hasard dans les rues d’Oran, le 5 juillet 1962, et rien sur les centaines de femmes enlevées et disparues à jamais.
« Stora évoque fantasmagoriquement des centaines de milliers de morts côté FLN mais se contente de mentionner, sans plus, des Harkis massacrés, etc. Pourquoi ne pas parler des dizaines de milliers de Harkis désarmés par la France et livrés aux couteaux du FLN, égorgés, torturés, bouillis dans des marmites, émasculés, attachés et traînés derrière des voitures ?
« Le petit rapporteur Stora a omis certains sujets pourtant essentiels : l’inexistence d’un État et d’une nation avant 1830, l’occupation Ottomane et ses persécutions contre les Juifs, les milliers d’esclaves Chrétiens dans la Régence d’Alger, le caractère islamiste de l’insurrection de 1954, le déni de souffrance infligé aux Français d’Algérie par la France et par l’Algérie, ou encore la grande et réelle fraternisation du 13 mai 1958 et la réalité des rapports entre les Pieds-Noirs et les indigènes. Lui qui s’est maintes fois rendu en Algérie dans les bagages des voyages officiels, n’a pas connu la chaleur des retrouvailles et de l’accueil par les Algériens.
Enfin le rapport Stora assène quelques (contre-)vérités comme le mythe d’une nation algérienne !
« Stora assène le mythe d’une nation algérienne tout entière dressée contre l’envahisseur français, les dépossessions foncières généralisées, la conquête cause unique de l’engrenage sanglant des événements ou encore la distinction entre les gentils progressistes (il va jusqu’à proposer la panthéonisation de Gisèle Halimi) et les méchants ultras responsables de tous les maux. Quant aux propositions faites par Stora, elles sont partielles et partiales, comme la transformation des anciens camps d’internement des terroristes du FLN situés sur le territoire français en lieux de mémoire, proposition qui ne s’applique pas aux camps de Harkis !
« Un paragraphe est dédié au souvenir et à l’œuvre des hommes qui ont vécu dans des territoires autrefois français et qui ont cru devoir les quitter à la suite de leur accession à la souveraineté. Les Pieds-Noirs et les Harkis apprécieront la formule « qui ont cru devoir la quitter, comme s’ils avaient eu le choix alors que des dizaines de milliers d’entre eux furent assassinés après le 19 mars 1962 ! »
« Ce n’est pas ce rapport qui permettra la réconciliation des mémoires. Pouvait-il en être autrement en le confiant à un historien ancien trotskyste très contesté, nommé Inspecteur général de l’Éducation nationale par Hollande en récompense de sa contribution à l’élaboration de la doxa sur l’histoire de l’Algérie. »
NPA, anti-k.org : Olivier Le Cour Grandmaison réagit au rapport Stora : « Ce rapport reste muet sur les dispositions qui entravent l’accès aux archives. Ça constitue une atteinte à la liberté de la recherche. Le rapport est en deçà de ce qu’on aurait pu attendre concernant la reconnaissance des crimes coloniaux commis par la France en Algérie au cours de la dernière guerre (1954-1962) et tout au long de la conquête et de la colonisation sanglantes du territoire algérien. La qualification de crime de guerre n’est jamais employée. Stora sait que la torture, les disparitions forcées, les déportations imposées à des millions de civils algériens au cours de la guerre peuvent être qualifiées de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité ».
« Qualifier les massacres du 17 Octobre 1961 à Paris de répression est inadéquat eu égard à l’ampleur de ce qui a été perpétré par les forces de l’ordre agissant sous l’autorité du préfet de police Papon.
« Sans reconnaissance officielle de ces crimes coloniaux, la réconciliation tant vantée restera un vœu pieux. Les descendants des victimes, Français ou Algériens seront toujours en butte à des discriminations mémorielles inacceptables. Macron a déclaré que la colonisation [était] un crime contre l’humanité…
Stora, Les guerres sans fin, Stock : « La Tribune, l’un des quotidiens les plus lus d’Algérie, lui a consacré un article sur son livre, L’Algérie en 1995. La guerre, l’histoire, la politique (Michalon).
« Dans mon ouvrage, Les Trois Exils – Juifs d’Algérie, se mêlent clairement l’écriture méthodique de l’Histoire et la plongée dans la subjectivité qui montrent un historien classique et un historien engagé !
« Le lieu de naissance peut fabriquer une carte d’identité, un parcours. Les conditions sociales, matérielles, la pauvreté dans lesquelles j’ai vécu avec mes parents quand j’étais enfant, notamment en France après mon arrivée d’Algérie en 1962, permettent de comprendre des motifs de revanche sociale.
« La terre natale, la misère sociale, l’engagement révolutionnaire, la passion de la recherche historique. Progressivement, j’ai réalisé le poids très lourd des héritages, des origines familiales et de la condition sociale. Ma mère était ouvrière d’usine et mon père vivait d’un petit salaire d’agent d’assurances.
« Né à Constantine, dans une famille juive traditionnelle, en terme d’héritage, je ne possédais rien (???), il fallait tout bâtir, tout construire. Dans l’après-68, l’antifascisme dominait.
« Jeune homme issu d’une famille juive d’Algérie et devenu militant révolutionnaire, il était possible de concilier l’universel et le singulier. J’avais été marqué par le livre de Pierre Goldman : Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France, où l’on lisait : « J’étais un juif qui refusait le rite d’intégration dans la nationalité.
« Et je trahissais mon père, sous-lieutenant de réserve, médaillé militaire. Hormis l’amertume et la tristesse de lui causer de la douleur, de bafouer son patriotisme de juif immigré (et naturalisé d’avoir été soldat français), je me souciais peu de cette trahison. Je n’avais pas de preuve à donner (on me la demandait depuis toujours, en silence, depuis que j’étais né, et bien que je fusse né, en France, en un temps où il m’était refusé de naître français), je n’avais pas de preuve à donner, parce que profondément, je n’avais jamais été français. J’étais seulement un juif exilé sans terre promise. Exilé indéfiniment, infiniment, définitivement.
« Je n’étais pas prolétaire, mais je n’avais pas de patrie que cet exil absolu, cet exil juif diasporique ».
« Ce pays, l’Algérie française, entretenait une situation coloniale inégalitaire. Si tous les habitants étaient rattachés à la France, puisque l’Algérie c’était trois départements français, une majorité ne bénéficiait pas des mêmes droits. L’Algérie française, ou la France en Algérie, c’était une image de république, de fausse république en vérité. Ce pays qui s’en va et ces liens de communautés qui se défont renvoient à une solitude où il n’y a plus de points de repère familiaux, historiques, linguistiques.
« L’une des particularités des juifs de Constantine était qu’ils parlaient en arabe. C’était une singularité par rapport aux pieds-noirs et aux autres juifs d’Algérie. Cette période de 1962 à 1968 sera celle de voir une certaine forme de déclassement social de mes parents va me pousser vers des engagements, des combats.
« 1968 apparaît comme la date rupture me permettant de rentrer en politique. Je découvrais une vieille société repliée sur elle-même, archaïque. Un monde figé dans une grisaille uniforme.
À partir de 1968, c’est devenu un motif de fierté de dire : Voilà, j’appartiens à une minorité qui a connu les ravages de l’Histoire et qui veut trouver sa place dans la société française. » (Stora, Les guerres sans fin).
Avec l’aimable autorisation de Dreuz.info.
Le docteur Thierry Ferjeux Michaud-Nérard est pédopsychiatre. Il est titulaire d’un DEA de psychologie clinique et d’un DEA de droit pénal et de sciences criminelles.
Psychiatre des hôpitaux, il est certifié de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, certifié de l’Institut de criminologie de Paris, diplômé de médecine pénitentiaire, et membre de l’association de criminologie de la Réunion.
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