HISTOIRE DE LA GLACE MONDIALE : CE QU’ON NE VOUS DIT PAS ! (SUITE 2/4)
L’ARCTIQUE ET LES CYCLES OCÉANIQUES MULTI-DÉCENNAUX
L’Agence japonaise pour la Science et la Technologie Marines (JAMSTEC), préfecture de Kanagawa, fit remarquer dans un article de Yahoo Asia News en 2005 un retrait glaciaire dans l’Ouest de l’Océan Arctique entre 1997 et 1998 qu’il attribuaient à “[…] l’irruption d’un flux d’eau chaude en provenance de l’Océan Pacifique, et non à l’impact de l’atmosphère comme on le pensait”. C’était en rapport avec le super El Niño de 1997/1998. Koji Shimada du JAMSTEC, le sous directeur du groupe, disait que le retrait était particulièrement sévère du côté Pacifique de l’Océan Arctique. Le pourcentage de couverture de glace de la zone cet été était d’environ 60-80 % des années 80 jusqu’au milieu des années 90, mais était descendu à15-30 % après 1998 disait-il. Trenberth (1999) avait reconnu l’effet de El Niño sur l’Arctique.
Le cycle des températures arctiques est en rapport avec les cycles multi décennaux des températures océaniques du Pacifique (Oscillation Décennale Pacifique ou PDO) et de l’Atlantique (Oscillation Multi décennale Atlantique ou AMO).
L’OSCILLATION DÉCENNALE DU PACIFIQUE (PDO)
Le mode chaud du Pacifique favorise plus de El Niños et d’eau plus chaude dans le Pacifique Nord y compris le détroit de Béring. La PDO a basculé en mode chaud en 1978 et les températures arctiques ont commencé à augmenter et la glace à fondre, répétant ce qui s’était produit à partir de 1910 jusqu’au début des années 40.
Durant l’hiver 2019-2020 la température maxi moyenne de jour à Fairbanks était de – 2,1F, avec une température minimale de jour de – 20F, la moyenne de jour était de – 11F ! La plus froide était de -43F et la plus chaude de 31F le 9 décembre. 33 jours étaient à -30F ou en dessous, 5 à -40F ou en dessous. L’hiver fut de 4,7F en dessous de la moyenne, le 3ième plus froid depuis le Grand Basculement Climatique du Pacifique (passage de la PDO en positif) à la fin des années 70 quand le Pacifique plus chaud favorisa le réchauffement en Alaska et dans l’ouest de l’Amérique du Nord.
LE RÔLE DE L’ATLANTIQUE
L’Atlantique a également un cycle d’une période de 60-70 ans. L’Oscillation Multi décennale Atlantique ou AMO est retourné en mode positif chaud en 1995.
Frances & al. (GRL 2007) à montré comment le réchauffement dans l’Arctique et la fonte de la glace était liés à de l’eau chaude (+3°C) dans la Mer de Barents se propageant lentement vers l’Arctique Sibérien et faisant fondre la glace. Elle notait également la rétroaction positive du changement d’albédo du à l’eau libre renforçant alors le réchauffement.
L’International Arctic Research Center de l’Université d’Alaska à Fairbanks a montré que les cycles de température correspondaient aux intrusions d’eaux atlantiques froides ou chaudes sous la glace.
Des deux océans, pour le bassin arctique au sens large, il se peut que l’Atlantique ait le plus d’importance.
Pryzbylak dit :
“Il y a un consensus sur l’estimation des tendances des températures antérieures à 1950. Pratiquement tous les articles (anciens ou récents) couvrant cette période se concentrent sur l’analyse du réchauffement significatif qui intervint dans l’Arctique depuis 1920 jusque vers 1940… En Arctique, les températures les plus élevées depuis le début des observations instrumentales eurent lieu clairement dans les années 30. De plus, il a été démontré que même dans les années 50 la température était plus élevée que ces 10 dernières années.”
“Pour la température arctique, le facteur le plus important est un changement de la circulation atmosphérique sur l’Atlantique Nord. L’influence des changements de la circulation atmosphérique sur le Pacifique (dans la partie nord ou les régions tropicales) est nettement moindre.”
Comme pour les températures des USA, à nouveau, la combinaison des indices PDO et AMO (PDO+AMO) donne une explication claire des températures moyennes de l’Arctique.
“Au cours des 140 dernières années environ, il y eu deux périodes d’accroissement significatif des températures de l’Arctique. La première débuta autour de 1918-1920, se prolongea jusqu’en 1938 et a été appelée ‘le réchauffement des années 30 ” (Bengtsson & al. 2004). D’autres travaux se réfèrent à cette période comme du ‘Réchauffement du début du XXième siècle’ (ETCW, Brönimann 2009) ou le ‘Réchauffement Arctique du début du XXième siècle’ (ETCAW, Wegmann & al. 2017, 2018).
Karlen (2005) s’est basé sur l’historique des températures à Svalbard (Lufthavn à 78° de latitude N) revendiquant que la zone représente une large portion de l’Arctique. On y constate que “les températures moyennes annuelles augmentèrent rapidement des années 1910 jusqu’à la fin des années 30. Ensuite elles redescendirent jusqu’à un minimum autour de 1970.” De nouveau “Svalbard se réchauffa, mais la température moyenne à la fin des années 90 restait encore légèrement inférieure à la fin des années 30.”
Drinkwater (2006) concluait que “dans les années 20 et 30, il y eut un réchauffement spectaculaire de l’air et de l’océan dans l’Atlantique Nord et l’Arctique, les changements les plus importants se produisant au nord des 60° N, ce qui causa une réduction de la banquise des régions arctiques et subarctiques et une élévation des températures de la mer. Ce fut le changement de régime le plus significatif qui ait été en Atlantique Nord durant le XXième siècle. ”
Hanna & al. (2006) ont estimé les Températures de Surface de la Mer (SST) près de l’Islande sur une période de 119 ans d’après des mesures effectuées dans dix stations côtières entre 63° et 67° de latitude N. Leurs conclusions étaient qu’il y avait eu “généralement des conditions froides de la fin du 19ième au début du 20ième siècle ; un fort réchauffement dans les années 20 culminant à des SST maximales aux alentours de 1940 et un refroidissement jusqu’aux années 70, suivi à nouveau par un réchauffement – mais sans généralement retrouver les niveaux de la période chaude 1930/1940.”