LE GRAND CHEF MICHEL GROBON AUX JOURNÉES MONDIALES DE L'ŒUF EN MEURETTE
Nous avons l’honneur et le plaisir de publier le texte du discours qu'un fidèle lecteur de "la petite souris normande", Michel Grobon, a prononcé ce week-end au "Championnat du Monde de l’œuf en Meurette" qui s'est déroulé au Château du Clos de Vougeot sous le Présidence d'Honneur du Prince Albert II de Monaco.
Un grand Chef, que dis-je, un Très Grand Chef Français, méconnu du Grand Public, mais connu dans le Monde entier, qui a débuté auprès de Gaston Lenôtre, maitrisant aussi bien la pâtisserie que le département traiteur des réceptions parisiennes.
Après avoir été responsable de la restauration pendant les jeux olympiques d’hiver de 68 à Grenoble, Michel Grobon a fait une carrière de 25 ans, remarquable et remarquée aux Usa, notamment quand il a été appelé aux cuisines de Ronald Reagan, Franck Sinatra, Élizabeth Taylor ou encore Michael Jackson, avant d'être chargé d'ouvrir les restaurants d’EuroDisney en 1992.
Un grand MERCI à Mady pour les photos et le texte ci-dessous.
Patrice-Henry Davidsen
Chers amis,
La gastronomie a été importée aux USA par les Chefs français et j'ai ainsi passé 25 ans de ma carrière à défendre les valeurs de notre culture culinaire en commençant par le Maxim's de Paris à Chicago.
J'aurais ainsi des choses très intéressantes à vous raconter, comme par exemple : sans Christophe Colomb il n'y aurait pas de tomates dans nos cuisines, ni de pommes de terre, ni de poivrons, de maïs, de courges et potirons, ni même d'haricots verts, d'ananas, de cacao, de vanille… bref une vingtaine de produits du Nouveau Monde dont on ne peut plus se passer de nos jours…
Pour commencer, je préfère donc laisser la parole au Chef Guillaume Gomez qui lui aussi a passé 25 ans de sa vie professionnelle dans les cuisines de l'Élysée et a servi quatre Présidents, ainsi qu'à Monsieur Jean-Robert Pitte, Académicien, qui s’exprimera bien mieux que moi. Je suis en effet plus à l'aise derrière mes casseroles que derrière une table de conférence. Aussi permettez-moi donc de garder mes notes sous les yeux.
TOUR DE TABLE
"LA GASTRONOMIE AU SERVICE DE LA DIPLOMATIE"
Je vais vous étonner mais il n'y avait pas de Chef attitré à La Maison Blanche du temps du Premier Président des Etats Unis, George Washington. C'était les esclaves qui préparaient les repas du couple présidentiel et les diners protocolaires.
La cuisine était simple: celle du Terroir Américain (des soupes épaisses appelées "chowder", des ‘‘stews’’ ou ragouts : viandes bouillies avec légumes, et pour dessert des tourtes aux fruits), une nourriture qui remplissait bien le ventre.
Pire encore, le Président Ulysse Grant, ancien Général Nordiste, avait embauché son cuisinier de camp qu'il avait sous ses ordres pendant La Guerre de Sécession et la First Lady, honteuse de la "tambouille" servie à la Maison Blanche, lui demanda d'embaucher un chef Italien.
Il fallut attendre 1961 et Jackie Kennedy, pour que la Gastronomie fit son entrée à la Maison Blanche. Pourquoi ? Elle s'appelait Jacqueline Bouvier et avait un arrière grand-père, né à Pont St Esprit, dans le Gard. Elle savait qu'on ne mangeait bien - à l'époque - qu'en France ( Je dis ‘‘à l'époque’’ car tout cela a bien changé depuis). Elle a donc choisi un chef français : René Verdon et fait finalement installer une véritable Cuisine Professionnelle dans La Maison Blanche.
Ce chef français a introduit une cuisine élégante, raffinée, mais surtout, saine et équilibrée en utilisant des produits frais de saison. Une véritable révolution dans un pays qui préférait le surgelé et la boite de conserve et où il n'y avait pas de marchés ! René Verdon faisait pousser ses poireaux sur le toit de la Maison Blanche et ses herbes aromatiques dans les jardins.
Les Américains qui n'aimaient pas perdre de temps à table, ont du se soumettre à des diners protocolaires de plusieurs heures, selon le modèle des "Diners d'Épicure" d’Auguste Escoffier, en 1912.
Que sert-on dans un traditionnel repas gastronomique ? On commence par l'apéritif, puis une entrée, un plat de poisson, un plat de viande, de la salade, du fromage de France bien entendu, le dessert, le café et les digestifs. SIX plats plus champagne en entrée et cognac pour terminer. On a donc tout le temps de faire connaissance avec son voisin de table et après quelques heures de grands crus, il vous devient de plus en plus sympathique…
Je cite le journaliste Pierre de Vuyst : "Pendant ces fastes années Kennedy, la Maison Blanche fut quelque part l'Ambassadrice Américaine de l'Art de Vivre à la Française".
Car la France a toujours porté très haut le Flambeau du "Bien Manger". Et je citerai les noms de Taillevent, Carême, Escoffier, Bocuse… entres autres.
Et cette année nous avons repris le Titre de meilleure équipe de cuisiniers au monde en remportant le « Bocuse d’Or » au SIRHA de Lyon (Salon international de la restauration, de l'hôtellerie, et de l'alimentation°. Notre collègue et ami Guillaume Gomez y est pour quelque chose. Je citerai le compliment que lui a fait Thierry Marx : "L'Elysée offre une table hors du commun, permettant à ses hôtes internationaux de constater à quel point notre maitrise des arts de la table constitue un capital unique au monde."
Pour Ronald Reagan, que j'ai eu l'honneur de servir à la Maison Blanche de l'Ouest en Californie, on se souvient qu'il a été acteur avant de devenir Président. Il a surtout tourné dans des westerns, il avait un Ranch près de Santa Barbara, qui s'appelait Rancho des Cielo ; il montait à cheval et aimait la cuisine de cowboy : les Barbecues et le Chili. (Au fait, savez-vous que le mot BBQ est français ? il veut dire embrocher une bête de la Barbe au Cul)…
C'était Nancy qui appréciait le raffinement de la cuisine française car, faisant très attention à sa ligne, elle aimait manger sain et léger. Pour suivre la politique de son mari qui voulait que les "USA, restent la Première Nation au Monde" (il ressemblait un peu à Trump et son slogan "América First") elle a embauché un jeune chef américain pour remplacer le bien aimé Heinrich Haller quand il a pris sa retraite après 22 ans de service à la Maison Blanche (et notre ami Guillaume, lui y a passé 25 ans); mais elle a du s'en séparer rapidement…
Et là , j'en viens au rôle de la Gastronomie dans l'économie d'un pays (il faut faire des sous !)
Ronald Reagan, à qui son docteur avait recommandé de remplacer le whisky par le vin, apprécia tellement le changement qu'il décida de promouvoir le Vignoble Américain . Et pour cause : Son Ranch était proche de la Napa Valley, la grande région viticole des USA. (Le Vignoble de Robert Mondavi et son grand vin Opus One, élaboré avec la Maison Rothschild a fait une entrée remarquée sur le marché français). Il fut choisi entre autres par Eurodisney à qui Michael Eisner m'avait confié l'ouverture en 1992, pour faire partie de la carte des vins dans ses restaurants gastronomiques.)
Ronald Reagan a été le plus Grand Ambassadeur des Vignobles Californiens. En les servant à La Maison Blanche, il les a fait connaitre à de nombreux chefs d'États qui les ont adoptés . (Son vin préféré était le cabernet de Brooks Firestone).
La Gastronomie lui a servi à développer les intérêts économiques des USA, a montré sa volonté de promouvoir les produits américains dans un domaine qui ne leur appartenait pas. (On parle de Gastro-diplomatie de nos jours. Laissez-moi vous donner une définition simple de Gastro-diplomatie avec l'exemple de la Corée qui est surtout connu en France pour ses voitures, et qui veut maintenant faire connaitre sa cuisine) Elle avait une équipe en compétition au dernier Bocuse d'Or.
Ainsi Il n'y a pas que le vin californien qui a séduit les français, Jacques Chirac aimait les bières Budweiser et Corona. Et que dire du Hamburger qui a totalement envahit notre culture alimentaire.
Mais, peut-on encore parler de Gastronomie ? (Pas celui servit au McDo bien entendu). Je vais encore vous surprendre, mais il faisait partie de la carte du Maxim’s de Paris, 3, Rue Royale, (restaurant qui a gardé Trois Étoiles pendant presque 25 ans, de 1953 à 1977) On ne l’appelait pas ‘‘Hamburger’’, mais ''Steak Haché'', et j'en ai préparé dans les années 60 en utilisant du filet de bœuf, des morilles et de la truffe, bien sur !
De nos jours on retrouve le hamburger sur presque toutes les cartes. Les créations des jeunes chefs sont assez intéressantes : j'ai gouté des pains rouges à la betterave, des pains noirs au charbon alimentaire, des cheese-burgers au maroille, à l'époisse, au reblochon, pour le plaisir des yeux et des papilles.
Permettez-moi de dire en conclusion que Tout plat peut se transformer en plat gastronomique et être apprécié des gourmets les plus exigeants. Il faut que le produit soit BEAU et BON : la préparation soignée, la cuisson précise et la présentation attractive et innovatrice.
C'est ce que vous allez vivre aujourd'hui avec les créations des chefs ici présents, sur les œufs en meurette.
Michel GROBON