DEUX FAKES NEWS HISTORIQUES CELÈBRES
1/ «Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens !»
Phrase attribuée tantôt à Simon de Montfort, tantôt à Amaury… Cela concerne la lutte armée contre les cathares, appelés « albigeois » au 13ème siècle. , alors que le catharisme développe la subversion à la fois sociale et religieuse dans le sud de la France.
Cette phrase cynique est visiblement une arme polémique censée démontrer la cruauté de l’Eglise catholique… On l’entend encore fréquemment dans les discussions et même dans les débats télévisés. Beaucoup croient qu’elle est authentique et historique. D’ailleurs, un certain nombre de manuels scolaires l’ont citée et cautionnée : Aulard et Debidour, Brossolette, Cuvet, Devinat, Guiot et Mane, etc, etc…
Et pourtant, c’est un historien anticlérical notoire, Auguste Molinier, qui affirme clairement, dans son « Histoire du Languedoc » : « On doit déclarer absolument apocryphe ce mot barbare que la plupart des auteurs ont prêté au légat pontifical Amaury ».
C’est au cours du siège de Béziers que cette phrase aurait été prononcée, selon la légende. Celui qui la forge s’appelle Césaire de Heisterbach, mais il le fait 60 ans après l’événement mais sans avoir assisté à l’épisode sanglant. Il donne un chiffre de victimes exorbitant de 100.000 morts !
Or, dans la Philipeis de Guillaume le Breton, habitué aux récits mythiques, le chiffre passe à 60.000. Le chroniqueur Guillaume de Nangis donne quant à lui le nombre de 17.000. Et Arnaud de Citeaux écrivant au pape Innocent III parle de 15.000 victimes. Même réduit, le chiffre paraît exagéré, dans le but de faire valoir auprès de Rome le désastre des hérétiques Albigeois. On sait que le massacre eut lieu dans l’église de la Madeleine qui contient au maximum 2.000 personnes, ce qui laisserait supposer – pour atteindre un tel nombre - que les vainqueurs se seraient trucidés eux-mêmes lors de l’affrontement. Deux historiens de l’opération anti-cathares, Guillaume de Tulède et Pierre de Vaux Cernay, proches de Simon de Montfort, étaient bien informés de la stratégie expéditionnaire. Or ils affirment que ce massacre avait été planifié à l’avance par de puissants seigneurs locaux afin d’intimider les populations du midi. C’est donc un mobile d’ordre militaire et politique qui a présidé à cet affrontement, sans oublier la cruauté des chefs militaires et les méthodes guerrières de l’époque.
La phrase scandaleuse « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » attribuée à un religieux est donc apocryphe et aucun historien sérieux ne se permet aujourd’hui de la citer. Le seul et unique personnage à l’origine de cette fake monumentale est le moine allemand Von Heisterbach dont l’œuvre est considérée comme n’ayant aucune valeur historique.
2/ « Duos habet et bene pendentes »
Là encore, beaucoup croient que lors d’une élection pontificale, un prélat est chargé de vérifier la virilité du candidat ! D’où vient cette rumeur égrillarde ? C’est la fameuse histoire rocambolesque de la « papesse Jeanne » si appréciée par les anticléricaux.
En l’an 857, à la mort du pape Léon IV, c’est un certain Jean l’Anglais (érudit ayant étudié à Londres) qui est choisi comme successeur. Apprécié, il devient Jean VIII, nouveau souverain pontife. Mais un récit donne une suite inattendue à ce pontificat ! Le jour de l’Ascension, pour se rapprocher du peuple, le pape participe à une procession en ville de Rome. Soudain, Jean VIII semble pris d’un malaise et s’écroule sur le pavé, se tenant le ventre et poussant des cris de douleur. Voici qu’un nouveau-né apparaît de dessous ses ornements : le pape est donc une papesse ! Hélas ! aussitôt, mère et enfant gisent, morts sur la voie publique…
Ainsi naît la légende sulfureuse de la ’’papesse Jeanne’’… Ce récit rebelle se retrouve chez Pétrarque et Boccace, même si la papesse en question n’a jamais existé. Comment cette histoire blasphématoire a-t-elle pu germer dans des esprits enivrés d’arrière-pensées ? On suppose que le (vrai) pape Jean VIII, placé devant un dilemme de pouvoir, a manifesté une évidente faiblesse face aux prétentions de Photius à la tête de Byzance. Constatant une telle mollesse de réaction, les prélats et le peuple se sont dit : ce pape effacé, ce n’est pas un pape, c’est une papesse ! Et afin de le ridiculiser, le reste a suivi.
Remarquons que ce n’est qu’au 13ème siècle, soit 400 ans après cette crise entre Rome et Byzance, que les récits sur la papesse Jeanne apparaissent. Et dans la droite ligne de la légende, c’est à partir de là qu’aurait été décidée - par prévention - la pratique de vérification des organes masculins d’un pape nouvellement élu… « Duos habet, et bene pendentes »
Evidemment, après la fumée blanche, et avant l’acclamation par la foule « Habemus papam ! », cette visite médicale du pontife n’a jamais été exercée, mais certains esprits naïfs y croient dur comme fer !
avec l’aimable autorisation de Dreuz.info.
Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, Membre de la JRJK, Commission de dialogue judéo-catholique (conférence des évêques suisses et fédération des communautés israélites suisses).