CALVIN, THÉOLOGIEN DE L’ALLIANCE
Pourquoi ce texte sur le site de l’AJCF ? Parce qu’il traite de Calvin bien sûr, mais surtout de sa relation au peuple juif, de plus il est écrit par un prêtre catholique.
L’année Calvin est lancée. Ce théologien appartient bien sûr en priorité à l’Église réformée, mais l’anniversaire public du réformateur témoin de controverses humanistes au 16ème siècle m’invite à le revisiter au-delà des querelles interconfessionnelles d’hier et d’aujourd’hui.
Ce que je partage avec la Réforme, c’est la centralité de la Parole de Dieu et l’unité de la révélation biblique. A partir de là, il est clair que certaines interprétations des textes peuvent diverger, selon nos traditions. Mais pas d’œcuménisme sans retour aux sources communes. Et c’est là que Calvin me semble être un précurseur de premier ordre.
A une époque où il était courant chez les catholiques de vendre des indulgences ou des messes privées, l’apport de Luther a été celui de la justification par la foi : l’amour de Dieu est gratuit et c’est lui seul qui nous rend justes. Les critères de vérité sont en Dieu et pas en l’homme, quels que soient ses mérites et ses efforts.
L’apport de Calvin, dans la même ligne, offre le thème complémentaire de la prédestination, souvent contesté dans la forme, mais qui au fond n’est qu’une manière de parler de l’élection. Élection d’Israël et élection de l’Église.
Grâce à ses connaissances philologiques et historiques, Calvin démontre une compréhension systémique de la Parole de Dieu. Contrairement à la théologie dominante, il a une vision unifiée du Premier et du Nouveau Testament. Il considère l’Alliance avec Israël comme toujours vivante, les dix commandements comme toujours pertinents, et il envisage l’Église comme reliée ontologiquement à Israël. L’événement Jésus Christ constitue pour lui le renouvellement définitif de l’unique alliance, entre Dieu et son peuple, dans l’ouverture à toutes les cultures.
Il n’est pas anodin de relever le fait que lors de son voyage à Mayence en 1980, le pape Jean-Paul II a provoqué la surprise en citant pratiquement Calvin : « l’alliance avec Israël n’a jamais été révoquée par Dieu ! »
Intéressante également la remarque de Calvin dans son ‘‘Petit traité’’, lorsque pour comprendre le vrai sens de la Cène, il recommande de retrouver ce que Jésus juif a voulu faire. N’est-ce pas avec cette méthode que protestants et catholiques se sont remis en route vers une eucharistie fidèle à l’originale ?
Luther quant à lui est resté dans l’option étroite de la rupture entre ancien et nouveau testament. Pour lui, la loi héritée du judaïsme s’oppose à l’évangile, et s’il lit l’ancien testament, c’est seulement avec les critères chrétiens. La même sensibilité règne à l’époque en milieu catholique. Rien de cela chez Calvin qui exprime de l’estime pour le peuple juif.
Comme l’Église catholique qui lors du concile Vatican II déclare obsolète la théorie de la substitution et du déicide, l’assemblée réformée de Leuenberg annonce en 2001 le passage de la théologie de la substitution à celle de l’alliance.
Luthériens, calvinistes et catholiques partagent de ce fait une même conviction théologique en ce qui concerne la relation judéo-chrétienne et la lutte commune des juifs et des chrétiens contre l’idolâtrie et ses fausses valeurs.
A la différence des mouvances évangéliques, catholiques et réformés refusent toute entreprise de conversion des juifs au nom de leur compréhension commune de l’épître aux Romains. « Ce n’est pas toi qui portes la racine, c’est la racine qui te porte ! »
Paru le dimanche 8 février 2009 sur ‘‘Un Echo d’Israël’’, publié ci-dessus avec leur accord.
avec l’aimable autorisation de Dreuz.info.
Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, Membre de la JRJK, Commission de dialogue judéo-catholique (conférence des évêques suisses et fédération des communautés israélites suisses).