TRAVAILLEURS IMMIGRÉS CATHOLIQUES DANS LA PÉNINSULE MUSULMANE DE L’ARABIE
Lorsque le pape François a posé le pied sur la terre de la péninsule arabique, c’était en 2019 dans le cadre d’une visite officielle aux Emirats arabes unis. A Abou Dhabi, il a présidé une célébration eucharistique inédite en présence de 150.000 personnes, alors qu’habituellement les messes en public sont interdites par la juridiction islamique.
Mais il y a une dimension à ne pas perdre de vue avant d’imaginer un quelconque dialogue avec l’islam, c’est la reconnaissance par l’Eglise de la dignité de ces millions de travailleurs chrétiens qui surmontent des conditions de vie difficiles dans cette région, y compris au niveau de leurs pratiques de foi.
Le prince héritier d’Abou Dhabi a annoncé promouvoir une coexistence pacifique entre religions. Le pape a évoqué avec lui les droits des travailleurs essentiellement philippins, indiens et libanais, sans oublier la situation terrible au Yemen qui dure depuis des années. La question du terrorisme islamique fut abordée, et le pape François, à la suite de Benoît XVI, invitait encore les leaders musulmans de la région à rejeter la promotion de la haine et de la violence. Des rencontres eurent lieu en présence de patriarches chrétiens orientaux et de rabbins.
En Arabie Saoudite, vivent 1.500.000 immigrés catholiques qui proviennent du Liban, de Syrie, d’Egypte, d’Irak, de l’Inde, des Philippines, du Sri Lanka…Même chiffre et mêmes profils dans les Emirats et autres sultanats de la Péninsule. Ces ouvriers travaillent dur sous un soleil de plomb sur des chantiers permanents de construction gigantesques, et ils se situent tout en bas de l’échelle sociale du pays. Ainsi, en raison des besoins illimités dans la construction et les travaux publics des pays de la Péninsule, des quantités impressionnantes d’étrangers considérés comme ‘‘infidèles’’ s’activent sur ce territoire dont le prophète avait dit avant de mourir : « deux religions ne doivent pas coexister sur la terre sacrée de l’islam ! »
Paradoxalement, en ce 21ème siècle, il y a donc davantage d’étrangers que d’autochtones en Arabie. Par exemple, à Dubaï, il y a 85% d’étrangers ! Plus globalement, cela signifie que la moitié du total des catholiques du Moyen Orient se situent en Arabie.
Certains états de la Péninsule arabique tolèrent plus ou moins la présence des chrétiens, l’Arabie saoudite réprime non seulement les droits religieux mais aussi les droits sociétaux que l’Europe accorde généreusement à ses immigrés (aides sociales, regroupement familial, droits d’association, etc). Ainsi, en Arabie saoudite, il y a interdiction formelle d’importer une bible, interdiction de construire une église et interdiction de célébrer une messe. La police religieuse anti-blasphème veille.(mouttawas)
Pour l’Arabie saoudite et les Emirats du Golfe, des vicaires apostoliques sont en charge de ces communautés catholiques nombreuses : le capucin suisse Mgr Paul Hinder ayant terminé son mandat, c’est l’italien Mgr Paolo Martinelli qui lui succède. Ces ministères sont gérés en fonction des prérogatives locales avec le souci pastoral de ces millions de catholiques, surtout asiatiques, qui sont venus pour gagner durement la vie de leurs familles restées au pays. Ces immigrés vivent difficilement dans des conditions de travail éprouvantes et un isolement affectif et spirituel débilitant.
Mgr Hinder, lorsqu’il était en poste pour les communautés catholiques des Emirats, du Sultanat, du Yemen de Bahreïn, du Qatar et de l’Arabie saoudite, faisait remarquer qu’en Suisse il y 250 mosquées pour une population musulmane cinq fois inférieure au nombre de chrétiens recensés dans ce vaste Vicariat, qui n’a droit au total qu’à 20 églises !
A Bahrein et Oman, les églises existent mais ne doivent pas avoir de signe distinctif à l’extérieur (pas de croix), les cloches sont interdites, et l’accès strictement prohibé aux passants musulmans.
Le roi Hamad bin Hassa al Khalifa a finalement accepté que soit construite une église catholique dans l’émirat, malgré la vigoureuse opposition de groupes islamistes locaux. Il considérait que cela rendrait la vie des fidèles un peu plus soutenable, grâce à de belles célébrations autorisées dans un lieu digne et accueillant.
avec l’aimable autorisation de Dreuz.info.
Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, Membre de la JRJK, Commission de dialogue judéo-catholique (conférence des évêques suisses et fédération des communautés israélites suisses).