HOMMAGE D’UN PETIT FILS À SA GRAND-MÈRE ÉTERNELLE
Suzon, ma très chère grand-mère,
Notre première rencontre n’a pas été des plus faciles à organiser. Né en Pologne derrière le rideau de fer, tu as dû faire preuve d’habilité et de persuasion pour pouvoir venir te pencher sur mon berceau.
Ce n’était pas un Mur qui allait te freiner, toi l’aventurière qui parcourrait le monde à la découverte des civilisations qui le composait.
Depuis ce jour d’août 1977 tu as toujours gardé un œil sur moi, parfois discret mais toujours bienveillant. Tu n’as eu de cesse d’être à mes côtés, attentive et présente dans les moments difficiles. Tu étais cette grand-mère si singulière, qu’on n’appelait pas grand-mère mais Suzon.
En écrivant ces mots, assis sur le banc de Maurice, face à la Seine, les souvenirs remontent à la surface et marquent oh combien le temps partagé avec toi était unique. Les souvenirs défilent comme un film.
Ces weekends au Moulin ou, enfant, j’échafaudais des plans pour échapper discrètement à l’obligation d’assister aux concerts.
Sans doute étais-je à cette époque trop petit pour mesurer la chance qui était la mienne.
Puis plus grand, notre rituel parisien du mardi soir où tu me prenais par la main pour me faire découvrir le théâtre, la musique ou encore le cinéma.
Mois après mois, années après années tu as aiguisé mon regard, éduqué mon ouï, attisé ma curiosité. Tu as su m’ouvrir l’esprit vers le monde, vers les autres, vers l’inconnu. Tu m’as donné le goût des Arts.
Accroché à ton bras, j’étais fier d’être le petit fils de la grande dame à la natte. Je revois encore le regard admiratif et reconnaissant des artistes que nous croisions.
Les artistes, c’était ton univers, et quel univers ! Tu leur as ouvert la porte de ta maison, et ton souhait était que cette porte reste grande ouverte, même après toi.
La porte du Moulin je l’ai franchie tant de fois avant d’en prendre la mesure, avant qu’il ne m’habite et ne m’anime. Il a été une révélation pour moi.
Ce que tu as bâti a donné à ma vie le sens que je lui cherchais, et je ne trouve pas de mots assez fort pour exprimer ma gratitude.
En m’installant à tes côtés, j’ai compris ta puissance et ta grandeur. Et crois-moi, la responsabilité que je ressens aujourd’hui n’en est que plus grande.
C’est en restant fidèle à tes engagements et à ton état d’esprit, que je contribuerai, avec détermination et dévouement, à l’écriture de nouveaux chapitres, dans la continuité des précédents, si inspirants et immenses.
Immense tu l’étais ma Suzon. Ta force, tes valeurs, je les garde précieusement en moi. Je mesure le privilège d’être ton petit-fils, et surtout celui d’avoir pu passer toutes ces années à tes côtés, à travailler main dans la main pour faire perdurer l’œuvre de ta vie.
Avec une famille du Moulin qui, je l’espère, continuera de s’agrandir pour accueillir en son sein des passionnés, artistes, intellectuels et toutes les âmes bienveillantes qui partagent tes valeurs, nous essayerons d’être à ta hauteur.
J’en prends l’engagement.
Merci Suzon.
Embrasse Maurice et tous ceux à qui nous devons les moments extraordinaires que l’on a vécus, que l’on vivra, et que ceux qui nous succèderont vivront.
Tu resteras pour l’éternité celle qui aura su créer le paradis sur Terre.