SAMUEL PATY, HONORÉ A LA SORBONNE
La Sorbonne, symbole d’excellence. C’est là qu’eut lieu – en présence des autorités de l’Etat, la cérémonie officielle d’adieu à Samuel Paty, victime de la criminelle intolérance islamique.
Avec le leitmotiv inévitable du respect de « l’Ecole laïque » de la République, ce fut un moment d’intense émotion. Mais la Sorbonne elle-même a une histoire, peu connue, et il est bon de rappeler de quelle instance théologique et philosophique provient la qualité d’enseignements développés depuis le Moyen Age.
La Sorbonne tire son nom d’un prêtre, Robert de Sorbon, né en 1201 et mort en 1274 à Paris. Nous sommes à l’époque de l’essor des grandes universités européennes, centres éminents de culture qui marqueront les siècles suivants. Robert de Sorbon est un fils de paysans pauvres, originaire de la commune de Sorbon, dans les Ardennes. L’Église offrait des bourses aux élèves de condition modeste. Ayant brillamment réussi, Robert est ordonné prêtre et devient docteur en théologie, puis chanoine de Cambrai. Il acquiert une réputation élogieuse en raison de ses sermons et de ses conférences, au point que le roi, St Louis, le nomme chapelain.
Inspiré par sa propre expérience, Robert de Sorbon se donne pour objectif de fournir des aides aux écoliers les plus pauvres, et c’est dans ce but qu’il fonde une communauté de prêtres disposés à dispenser leur savoir. Ils le feront en donnant des leçons gratuites à tous les candidats aux études les plus motivés. Se joignent à cette initiative généreuse des personnages illustres, tels Guillaume de Bray, archidiacre de Reims, Robert de Douai, chanoine et médecin personnel de la reine, Geoffroi de Bar (futur cardinal), aumônier du roi.
Grâce à une donation octroyée en 1250 par la reine au service des écoliers nécessiteux, Robert de Sorbon fonde le Collège, rapidement reconnu comme le plus prestigieux établissement de l’Université de Paris et qui prend le nom de ‘‘Sorbonne’’.
Pour être membre du Collège de Sorbonne, Robert exige que l’on n’accueille que des hôtes (hospites) et des associés (socii). Ceux disposant de revenus sont acceptés aux côtés des boursiers. La devise de ce lieu communautaire voué aux études est : « vivere socialiter et collegialiter et moraliter et scholariter ». La théologie est l’enseignement principal, mais Robert développe parallèlement les cours de morale et d’éthique, ce qui amènera beaucoup de demandes de consultations provenant de tous les pays d’Europe. A partir du collège d’étudiants avancés, comme dans les lieux d’érudition des dominicains, s’ouvrent des étapes plus approfondies permettant d’accéder au niveau de gradués, bacheliers et docteurs. Parmi les bacheliers et les sociétaires résidents, le prieur est élu chaque année afin de garantir le respect mutuel, la motivation et l’harmonie au sein du collège.
La qualité spirituelle et scientifique de l’enseignement ainsi dispensé à la Sorbonne est approuvée en 1259 par le pape Alexandre IV, et dans cet élan prometteur, Robert ouvre sur place un autre collège spécialisé dans les humanités et la philosophie, qui connaîtra lui aussi un grand succès. Le cardinal de Richelieu y adjoindra en 1635 l’église de la Sorbonne, telle que nous avons pu la découvrir lors de la cérémonie de Samuel Paty. En 1260 est constituée à la Sorbonne une des plus complètes bibliothèques du Moyen Age, qui comme celle de St Gall, participera activement à la diffusion du savoir dans les échanges entre intellectuels des pays européens.
En 1258, Robert de Sorbon est chanoine de Notre Dame de Paris. De hautes personnalités viennent le consulter en raison de sa réputation de science et de sagesse. Dans son testament rédigé en 1270, Robert lègue tous ses biens à la Société de la Sorbonne.
De nos jours, peu de gens connaissent les origines historiques de ce lieu réputé, présenté encore récemment dans les discours et dans les reportages comme fleuron de la ’’laïcité’’ et du savoir républicain. Bien qu’aujourd’hui les idées américaines de la culture woke aient commencé à investir les lieux, comme dans d’autres grandes écoles.
On aimerait qu’une vraie laïcité n’occulte pas mais valorise les fondamentaux et les acquis civilisationnels précédant l’époque idéalisée des ‘‘Lumières’’. Cela fait partie intégrante des valeurs que – avec le courage de Samuel Paty – les professeurs d’histoire soucieux de vérité et d’éveil des connaissances ont à cœur de partager à leurs élèves.
avec l’aimable autorisation de Dreuz.info.
Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, Membre de la JRJK, Commission de dialogue judéo-catholique (conférence des évêques suisses et fédération des communautés israélites suisses).