HAUSSE DE L’IMMIGRATION FRANCOPHONE : LA COHÉSION SOCIALE EN DÉPEND, SELON LE MINISTRE FRASER
Le ministre fédéral de l’Immigration, Sean Fraser, juge « essentiel » d’augmenter le nombre d’immigrants francophones qui viennent s’installer au Canada. Il en va, selon lui, du maintien de la « cohésion sociale » au pays tandis que le gouvernement Trudeau se donne comme objectif d’accueillir 500.000 immigrants par année à compter de 2025.
M.Fraser répond ainsi favorablement à la demande du gouvernement Legault de revoir à la hausse la cible de 4,4% d’immigrants francophones qui s’installent à l’extérieur du Québec afin de contrer le déclin du français au pays. La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) réclame aussi une cible plus ambitieuse.
Mais avant d’annoncer de nouvelles cibles, le ministre Fraser a dit vouloir se donner les outils pour atteindre celles de 2022 et de 2023. D’autant que le gouvernement fédéral n’a pas réussi à atteindre ses cibles en matière d’immigration francophone dans le passé.
« Je veux augmenter le nombre de nouveaux arrivants francophones hors Québec. C’est très important pour protéger et promouvoir la langue française et la culture française. Cela fait partie de l’identité canadienne. C’est essentiel aussi si on veut continuer d’augmenter le nombre de nouveaux arrivants en général. C’est une bonne chose pour notre pays. Mais c’est impossible pour moi de maintenir la cohésion sociale si je n’augmente pas le nombre de nouveaux arrivants francophones aussi », a déclaré le ministre Fraser.
Le ministre, qui a répondu à l’ensemble des questions des journalistes dans un français fort acceptable après avoir témoigné pendant plus d’une heure devant le comité des langues officielles de la Chambre des communes, a dit vouloir collaborer avec le Québec et les autres provinces pour soutenir l’immigration francophone.
M.Fraser a précisé qu’il souhaitait établir les nouvelles cibles après avoir consulté les associations francophones du pays. Il a ajouté que si la tendance se maintenait, le gouvernement fédéral pourrait dépasser la cible d’immigration francophone cette année.
« Il faut que je démontre que l’on peut atteindre la cible de 4,4% avec succès cette année. Mais j’ai confiance que l’on va accueillir plus que 4,4% l’année prochaine et ça va continuer d’augmenter après cela », a-t-il dit.
Il a indiqué qu’à compter du printemps 2023, Ottawa va ajouter dans le système « Entrée express », qui permet aux travailleurs qualifiés d’immigrer rapidement au Canada, des points supplémentaires pour les candidats francophones et ceux qui peuvent s’exprimer en français. « Cela va me donner la flexibilité à court terme pour augmenter davantage le nombre d’arrivants francophones », a-t-il dit.
Il a expliqué qu’Ottawa mise notamment sur le bureau de Yaoundé, au Cameroun, pour favoriser l’immigration francophone venant de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Ouest. Au pays, le gouvernement Trudeau a récemment inauguré le nouveau Centre d’innovation en immigration francophone à Dieppe, au Nouveau-Brunswick, qui doit contribuer « aux efforts nécessaires au maintien et à la croissance démographique des communautés francophones du Canada atlantique et du pays tout entier ».
« Obligation morale »
Dans une entrevue accordée à La Presse, vendredi, le ministre québécois responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Jean-François Roberge, a dit juger carrément insuffisante la cible actuelle du gouvernement fédéral au chapitre de l’immigration francophone. Il a invité Ottawa à refaire ses devoirs en fixant « un seuil de réparation » de 12% à 20% d’immigrants francophones pour combler le retard des années passées.
« La cible de 4% est trop basse. Cela fait trop longtemps qu’elle est trop basse. Et en plus, le gouvernement fédéral échoue à atteindre une cible trop basse. Cela veut dire qu’il a accumulé un retard au fil des années. Il a l’obligation morale de rattraper ce retard », a affirmé M. Roberge.
« Atteindre la cible de 4%, il n’y a pas personne qui va se satisfaire de cela. Le Québec ne sera pas satisfait si le gouvernement fédéral atteint sa cible insuffisante. C’est une mauvaise cible. Atteindre une mauvaise cible, c’est échouer quand même ». (Jean-François Roberge, ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne)
Devant les journalistes, M.Fraser s’est présenté comme un allié du gouvernement du Québec et des communautés francophones en milieu minoritaire, affirmant que le français fait partie des traits incontournables qui distinguent le Canada des autres pays, notamment les États-Unis.
« Je suis un anglophone. Quand j’ai commencé en politique [en 2015], je ne parlais pas le français. Mais quand j’étais enfant, j’étais très fier du fait que le Canada est un pays bilingue. Avec nos deux langues officielles, nous sommes différents des autres pays en Amérique du Nord. Et j’aime bien le Canadien de Montréal. Notre diversité, c’est une force pour notre pays. C’est un avantage économique. C’est un avantage social », a-t-il fait valoir.
Joël-Denis Bellavance
Après avoir terminé ses études en journalisme à l'Université Carleton, Joël-Denis Bellavance a travaillé pour le quotidien Le Droit pendant quatre ans. Il a aussi travaillé pour La Presse Canadienne, Le Soleil et le National Post avant de faire son entrée à La Presse le 10 septembre 2001.
Il couvre la colline parlementaire depuis 1994 et est chef du bureau d'Ottawa pour La Presse depuis septembre 2003.
En 2016, il a reçu le Prix d’excellence Charles-Lynch, remis annuellement à un journaliste de la tribune parlementaire qui se distingue dans la couverture des affaires nationales.
Il est invité à analyser l'actualité politique sur la chaîne parlementaire CPAC. On peut également l'entendre sur Radio-Canada d’Ottawa, de l'Abitibi-Témiscamingue, de Sudbury, de Toronto, de Windsor et de Québec.