QUELLE BELLE COMPLEXITÉ, CETTE LANGUE DE MOLIÈRE !
Pendant longtemps on a parlé de la réforme de l’orthographe de la langue de Molière. Mais en réalité, celle-ci ne changera rien au problème crucial des accords en genre et en nombre car il n’y a pas que l’orthographe qui regorge de mystères, mais aussi la grammaire et la conjugaison: qui s’accorde avec quoi, quel est le féminin d’acrobate, d’un bassiste, d’un détective ou d’un ministre.
Même en regroupant les noms selon leur terminaison, on trouve bien des exceptions ! cette belle langue est caractérisée par sa richesse, mais aussi, par sa complexité.
Des pratiques ont émergé ces dernières années comme l’utilisation du point médian (les étudiantˑ-e-ˑs) pour exprimer le masculin et le féminin à égalité, mais ce point peine à convaincre.
Alors pour éradiquer ce problème, un jeune graphiste suisse Tristan Bartolini vient d’emporter le prix Art Humanité d Genève en inventant un alphabet non sexiste qui pourrait réconcilier les réfractaires au point médian avec l’écriture inclusive.
Un procédé linguistique, existant dans d’autres langues, comme en espagnol par exemple ou le «o» du masculin, le «a» féminin s’entrelacent pour créer un «@», tel le todos-todas-tod@s.
Ce qui permet de désigner des personnes sans faire référence à leur
genre.
Comme le dit fièrement Tristan Bartoloni: «Pour mon projet de Bachelor à la Haute école d’art et de design de Genève, au printemps dernier, je me suis lancé un défi, trouver des solutions typographiques pour superposer les genres (féminin-masculin) tout en fusionnant l’art à la culture!
Mon travail est la synthèse de profondes recherches, de propositions à la main puis en version digitale, et de découpage de ces lettres pour qu’elles puissent s’écrire, se calligraphier et se taper à l’ordinateur. Je voulais inclure dans mon l’alphabet une écriture inclusive qui ne varie pas selon le genre et qui serait une démarche graphique, militante et culturelle.
La seule difficulté était qu’il fallait puiser des outils et des moyens pour inventer cet alphabet, avec des caractères nouveaux épicènes et respecter l’orthographe initiale du mot, celle de son féminin et masculin et les superposer en un seul signe.
Des signes épurés, poétiques, lisibles, qui s’entrelacent amoureusement pour dissiper les doutes du genre. On crée ainsi des terminaisons uniques avec chaque consonne».
Tout cela nous incite à réfléchir sur l’avenir de cette merveilleuse langue française pour ne pas la perdre et pour lui éviter tout péril mortel.
Nadine Sayegh
Nadine Sayegh, contributrice du site www.madaniya.info. Universitaire franco-syrienne, elle est animatrice de l’association caritative «Al Sakhra» (Le Roc) pour venir en aide aux Syriens sinistrés par la guerre.