C’EST À ÇA QUE LA RÉCONCILIATION RESSEMBLE

Publié le par Lila Dussault

C’EST À ÇA QUE LA RÉCONCILIATION RESSEMBLE

Simeonie Tuckatuck, les yeux brillants, observe les hauts plafonds de la nouvelle salle de séjour de la Maison Akhwà:tsire, inaugurée lundi, rue Saint-Hubert, à Montréal. Sous peu, ce sera sa maison. Il pourra y vivre aussi longtemps qu’il le souhaite, après des années dans la rue

Pour la première fois à Montréal, une maison qui vise à loger de façon permanente des personnes autochtones en situation d’itinérance a vu le jour. Si de nombreux modèles du genre existent pour la population générale, la Maison Akhwà:tsire (qui signifie « ma famille » en langue mohawk) a été imaginée et conçue spécifiquement pour aller à la rencontre des Autochtones de la rue et leur offrir une option à long terme.

Le projet est né en 2020, en pleine pandémie. « Nous avons réalisé que plusieurs personnes qui venaient dans les refuges d’urgence de Projets autochtones du Québec (PAQ) le faisaient de façon récurrente depuis des années, parfois plus de 10 ans », raconte Heather Johnston, directrice générale de PAQ, pendant l’inauguration.

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« Pour nous, ça n’avait aucun sens. Nous devions trouver un modèle d’hébergement pour les Autochtones qui se trouvaient en situation d’itinérance depuis longtemps ». (Heather Johnston, directrice générale de Projets autochtones du Québec).

Près de trois ans plus tard, l’ambitieux projet a vu le jour dans une coquette maison victorienne située en plein centre-ville de la métropole, à moins de 500 mètres du CHUM.

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Au total, 22 personnes pourront y vivre de façon permanente, y compris des couples, dans 18 chambres différentes, dont six accessibles pour les personnes à mobilité réduite. Des aires communes – salons, cuisines, salles de bains – seront partagées par les futurs résidants.

Des services d’intervention psychosociale de PAQ seront disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Les personnes hébergées pourront y recevoir des soins adaptés en santé physique (une infirmière travaillera sur les lieux) et en santé mentale – y compris l’accompagnement d’aînés autochtones.

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« On a besoin de plus de places comme celle-là », a indiqué à La Presse Marc Miller, ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones, en périphérie de la cérémonie d’inauguration. « Ça prend une connexion culturelle appropriée. Parfois, les environnements institutionnels [pour itinérants] affectent d’une façon différente une personne autochtone et une non autochtone. »

Les six participants du Programme de gestion d’alcool de PAQ – dont M. Tuckatuck –, qui vivaient jusqu’à présent dans une autre maison louée par l’organisme, déménageront en priorité dans ce nouveau lieu1.

Pensé par et pour les Autochtones

Dans cette maison, les hauts plafonds, boiseries et moulures en plâtre donnent un cachet aux pièces qui se superposent sur trois étages. « On est venu la visiter plusieurs fois, se souvient Mme Johnston. Chaque fois, on se disait que c’était trop beau pour nous. Et puis, on s’est demandé : pourquoi les Autochtones n’auraient pas droit à un environnement magnifique ? »

Les décors ont été choisis avec soin, sur le thème des saisons, afin de rejoindre les différentes nations dans ce qu’elles partagent, a expliqué Julia Shuliau Hervieux, designer à la firme d’architecture EVOQ. Elle est elle-même originaire de la communauté de Pessamit, sur la Côte-Nord.

C’EST À ÇA QUE LA RÉCONCILIATION RESSEMBLE

Le projet d’acquisition de l’immeuble et de rénovation des lieux a été réalisé au coût de 6,8 millions. Le gouvernement fédéral a notamment contribué avec une aide de 4,7 millions par l’entremise de la Société canadienne d’hypothèques et de logement dans le cadre de l’Initiative pour la création rapide de logements.

Les locataires vont bénéficier du Programme de supplément au loyer et ne verseront que 25 % de leur revenu pour demeurer sur place. Le reste des frais de logement sera assumé par la Société d’habitation du Québec et la Ville de Montréal. Au bout du compte, tous les ordres de gouvernement ont été impliqués dans le projet.

Une prière pour le lieu 

Preuve de l’importance de la question culturelle, la cérémonie d’inauguration a été menée par Sedalia Fazio, aînée du clan de l’Ours de Kahnawake, réserve mohawk située au sud de Montréal.

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L’odeur de la sauge médicinale a imprégné les lieux lors d’une prière initiale. Puis, quatre musiciens ont entamé des chants en jouant du tambour. Dans la salle emplie de dignitaires et de gens du milieu communautaire, le silence a accueilli la cérémonie. Les yeux de Simeonie Tuckatuck, eux, se sont mouillés de larmes.

« Je prie pour que les Montréalais reconnaissent les Autochtones pour ce qu’ils sont, et pour qu’on puisse aller de l’avant comme une seule nation », a-t-il dit au micro quelques minutes plus tard, ému.

« Je vous remercie tous d’être ici, et merci du fond du cœur d’aider notre monde », a aussi lancé Sharon, de Mistassini, la gorge nouée.

Pour Heather Johnston, « c’est à ça que la réconciliation ressemble ».

Lila Dussault

https://www.lapresse.ca/

Diplômée en travail social et en journalisme, Lila Dussault est entrée à La Presse à l’été 2021, après une dizaine d’années dans le milieu de l’intervention sociale au Québec et à l’étranger. Politique, santé, immigration, environnement, faits divers, international : ses champs d’intérêt la portent sur de multiples terrains.

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Publié dans LES VOIX DU QUÉBEC

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