UNE RÉMISSION POSSIBLE DU DIABÈTE DE TYPE 2
Les gens atteints de diabète de type 2 ne sont pas condamnés à souffrir de cette maladie toute leur vie et à prendre des médicaments pour contrôler leur glycémie. Une rémission peut être possible en changeant ses habitudes de vie. À l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et à l’Institut de cardiologie de Montréal, des essais randomisés sont menés pour le démontrer.
Le concept de « rémission » du diabète de type 2 fait son chemin dans la communauté médicale. Depuis novembre 2022, Diabète Canada indique dans ses lignes directrices que la rémission de la maladie est possible et qu’elle peut même constituer un objectif thérapeutique pour certains patients. Renverser la maladie est toutefois « plus probable » chez les gens atteints du diabète de type 2 depuis moins de six ans, souffrant d’embonpoint ou d’obésité et ne prenant pas d’insuline, précise l’organisme. Une perte de poids d’au moins 15 kilos augmente les chances de rémission.
« C’était déjà connu qu’avec la chirurgie bariatrique, on pouvait avoir une rémission du diabète de type 2 », indique la Dre Kaberi Dasgupta, professeure à l’Université McGill et chercheuse à l’Institut de recherche du CUSM, qui siège à divers comités d’experts de Diabète Canada.
De plus en plus de chercheurs croient maintenant que la modification des habitudes de vie permet aussi d’atteindre une rémission (soit une hémoglobine glyquée de moins de 6,5 % pendant au moins trois mois, sans utilisation de médicament diminuant le taux de sucre, selon Diabète Canada).
En collaboration avec l’Université de Leicester en Angleterre, la Dre Dasgupta mène une étude randomisée — baptisée RESET et financée par les Instituts de recherche en santé du Canada — auprès d’une centaine de personnes de 18 à 45 ans souffrant de diabète de type 2 depuis moins de six ans et ne prenant pas d’insuline.
Pendant trois mois, la moitié des participants seront soumis à un régime hypocalorique (900 calories, contre 2000 habituellement), constitué de substituts de repas comme des barres nutritionnelles ainsi qu’un peu de nourriture. Ils feront de l’exercice trois fois par semaine sous la supervision d’un kinésiologue. Ils devront ensuite maintenir leur poids grâce à une diète alimentaire « normale ». Ils ne prendront pas de médicament contrôlant la glycémie, à moins que le taux de sucre soit jugé anormal.
Jusqu’à présent, une quinzaine de patients ont complété le programme. « À ce jour, on a du succès », dit la Dre Dasgupta, précisant que l’étude est toutefois loin d’être terminée. Son équipe recrute d’ailleurs des participants, à Montréal et à Edmonton.
Grâce à cette étude, la Dre Dasgupta espère pouvoir démontrer l’intérêt de cette approche, afin que les gouvernements au Canada mettent en place des programmes visant la rémission du diabète de type 2.
C’est ce qu’a fait l’Angleterre à la suite d’une étude britannique menée en 2017 et financée par Diabète Royaume-Uni. La recherche a démontré qu’une diète hypocalorique pendant trois mois peut entraîner la rémission du diabète de type 2 chez des gens en surpoids.
« Après un an, 45 % des gens qui avaient le diabète de type 2 et qui avaient suivi ce régime n’avaient plus la maladie », dit la Dre Dasgupta. Le programme de diète hypocalorique est désormais offert aux diabétiques de type 2 sur la moitié du territoire de l’Angleterre et le sera partout d’ici les 12 prochains mois, a indiqué au Devoir la National Health Service (NHS).
Études à l’Institut de cardiologie
À l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM), une clinique de prévention et de rémission du diabète a été mise sur pied dès 2019. Elle propose aux patients prédiabétiques et diabétiques de type 2, souffrant de maladies cardiovasculaires, de participer à un programme intensif de neuf mois dans le but de renverser cette maladie.
« Cela consiste en des entraînements physiques intensifs [trois fois par semaine], des intervalles par exemple, et en une approche alimentaire personnalisée, mais qui vise une réduction calorique significative et une perte de poids significative », explique le Dr Philippe L.-L’Allier, directeur de la prévention de l’ICM. Le régime alimentaire est basé sur la diète méditerranéenne, qui met notamment l’accent sur les produits céréaliers à grains entiers, les fruits et légumes colorés, les légumineuses et les poissons.
Selon l’ICM, 12 % des patients diabétiques de type 2 qui ont pris part au programme en clinique jusqu’à présent sont en rémission. Le prédiabète a aussi été renversé chez 20 % des patients ayant cette condition. L’établissement veut maintenant démontrer l’efficacité de son approche grâce à des essais randomisés. Deux études, comptant 36 participants chacune, ont commencé il y a un an et se termineront en mai.
Stéphane Mailloux a participé au programme intensif de l’ICM. En août 2021, il a été victime d’une crise cardiaque à 41 ans. Un choc pour ce père de famille qui se gardait en forme. « J’avais le tiers du coeur bloqué à 95 % », dit-il.
Stéphane Mailloux a subi une angioplastie (pose d’endoprothèse — ou stent — pour élargir une artère). À la suite de prises de sang, il a appris qu’il était prédiabétique de type 2. Selon lui, la diète alimentaire et le programme d’exercices de l’ICM l’ont « beaucoup aidé » dès les premiers mois. Il est maintenant en « rémission ».
« On n’a pas à changer nos habitudes alimentaires tant que ça », tient-il à souligner. Il a notamment dû diminuer la quantité de pâtes, de pain et de boissons gazeuses qu’il consommait. Il a aussi cessé son traditionnel yogourt avec granola et fruits le matin. Il fait du sport trois fois par semaine.
Selon le Dr L.-L’Allier, cette approche « globale » permet de traiter le diabète de type 2, mais aussi de prévenir les complications cardiovasculaires liées à celui-ci. « On ne dit pas que les médicaments [diminuant ou contrôlant la glycémie] ne sont pas bons, dit-il. Mais dans une optique de prévention, on pense que viser la rémission du diabète, ça serait plus porteur. »
Marie-Eve Cousineau a débuté au «Devoir» en février 2020, soit un mois avant le début de la pandémie de COVID-19. Son entrée en poste s'est faite sur les chapeaux de roue. La journaliste généraliste a pour mandat de couvrir les actualités liées à la santé. Diplômée de l'UQAM, elle a travaillé pendant neuf ans à Radio-Canada (radio, télé et Web). Elle a également été pigiste en magazine durant une dizaine d'années, ce qui l'a mené à réaliser plusieurs reportages à l'étranger, notamment en Afrique.