ÉLECTRICITÉ, LES DESSOUS DU BOUCLIER TARIFAIRE (1/3)
ÉLECTRICITÉ, LES DESSOUS DU BOUCLIER TARIFAIRE
POINT DE VUE DE PNC-FRANCE
L’analyse par deux experts du monde industriel
PNC-France présente ci-dessous une analyse proposée par deux industriels qui savent ce qu’une facture d’électricité peut représenter pour une entreprise, Bernard Kasriel et Gérard Buffière, « Électricité, les dessous du bouclier tarifaire ». Comme toujours, l’actualité et ses difficultés trouvent leurs racines dans un passé souvent lointain, dans l’industrie du temps long qu’est l’électricité,
Automne 2021 : le mix européen tremble et les prix de l’électricité s’envolent. C’était bien avant l’invasion de l’Ukraine – « Vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre ! » aurait rappelé Jacques Prévert. Les racines de ce choc, amplifié ensuite par la crise du gaz de 2022, sont anciennes et résultent des dérives des mix électriques européen et français. Comment, depuis 15 ans, gouvernements, administrations et autorités indépendantes, gestionnaires des réseaux ont-ils pu :
- (i) se laisser aveugler par des idéologies décroissantistes alors que l’électricité décarbonée est à l’évidence le vecteur énergétique du futur ;
- (ii) installer une pénurie de capacités de production pilotables génératrice de spéculations en arrêtant sans compensations suffisantes des centrales nucléaires et des centrales « fossiles » de pointe ;
- (iii) s’abandonner à la séduction de politiques radicales de développement de capacités de production renouvelables aléatoires et intermittentes, reposant sur des technologies de « back-up » encore bien incertaines après deux décades de R&D.
La France et ses ministres successifs de l’environnement, alignés jusqu’en 2022 sur une doctrine de l’Energiewende allemande qui a profondément imprégné la politique des instances européennes, ont bouleversé un système électrique national qui avait fait ses preuves et abandonné à l’Europe une stratégie que le traité de Lisbonne confie pourtant aux États-membres. Complexités et opacités font désormais loi : loi Nome, ARENH, flexibilités, foisonnement des productions, interconnexions transfrontalières, concurrence entre énergies très inégalement subventionnées, application inadaptée de la doctrine du coût marginal ! Aux « clients », à tous niveaux, de tenter de s’y retrouver comme nous le révèlent Bernard Kasriel et Gérard Buffière.
Depuis deux ans, une prise de conscience de la gravité de la situation est notable avec le discours de Belfort, le rapport Armand/Schellenberger et l’action menée par la ministre de la transition énergétique. Mais, avec une administration inchangée, l’accumulation et le maintien de mauvaises décisions passées pèse toujours lourdement. L’état français doit redevenir stratège, s’attaquer au maquis organisationnel malencontreusement mis en place, revenir à ce qui est évident : l’électricité est un bien national et elle a la caractéristique d’un besoin d’ajustement continu de sa production à la consommation. La diversité, voire l’antagonisme des politiques publiques des États européens rend nécessaire le retour vers le prix du mix « local », national, non dominé par traders et idéologues et livré à la spéculation.
Et comment ne pas s’interroger sur le rôle d’une CRE systématiquement en faveur de fournisseurs alternatifs sans responsabilités réelles, qui demande dans son avis du 20 décembre 2023 sur la réforme du marché de l’électricité, un pouvoir de contrôle encore plus étroit d’EDF.
(Suite demain)