LUCIEN NEUWIRTH : UN DOUBLE LIBÉRATEUR

Père de la pilule, résistant à 16 ans et élu gaulliste de la Loire, Lucien Neuwirth, est décédé à 89 ans ce mardi 26 novembre 2013.

Le 18 juin, bricolant  le poste de TSF en ronce de noyer, il entend l’appel du Général de Gaulle : « Je suis tombé sur un homme qui parlait français sur une radio de Londres. Ce qu’il disait me confirmait tellement ce que je ressentais ». Sa maman qui était à ses côtés lui dit : « Lucien, c’est lui qui a raison. C’est lui qu’il faut suivre ».

« Je faisais partie de cette génération qui a été formée par des instits qui nous expliquaient que nous étions les fils d’un empire de 100 millions d’habitants sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Et, en trois semaines, on avait vu cet empire (…) prendre une pâtée historique. On ne comprenait pas » (émission Mémoires de Résistants)

Aux côtés de Jean Nocher (journaliste à ‘‘La tribune de St Etienne’’) il rédige et distribue des tracts clandestin sous le nom du ‘‘Groupe Espoir’’. Arrêté la veille d’un week-end, il est remis en liberté et convoqué pour le lundi matin.

Il se dépêche de franchir la frontière espagnole pour gagner l’Angleterre où il intègre les Forces Françaises Libres.

Parachuté en Hollande, Lucien Neuwirth devra sa survie à un coup du sort. Fait prisonnier et fusillé par les Allemands, il doit sa survie grâce aux pièces de monnaie qu’il avait sur lui et sur lesquelles ricoche la balle qui devait l’achever. Laissé pour mort, il réintègre les Forces Françaises Libres et participera à la libération des Pays-Bas, puis de la Belgique.

En 1958, fidèle au Général De Gaulle, il est porte-parole du Comité de Salut Public et s’engage en politique dans l’UNR, l’UDR puis le RPR.

Conseiller municipal, chargé des Affaires sociales par Michel Durafour, maire de Saint-Etienne, il suit de près l’action du mouvement ‘‘Maternité Heureuse’’ qui milite pour le contrôle des naissances. Cette association créée par les médecins Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, Pierre Simon et la féministe Evelyne Sullerot (qui fonda les centres de formation ‘‘Retravailler’’) est précurseur du ‘‘Mouvement pour un Planning Familial’’.

Il dit se souvenir du jour où une femme lui confia : "Moi, j'en ai assez, chaque fois que mon mari rentre saoul, il me fait un gosse !"

Député gaulliste, Lucien Neuwirth s’engage politiquement pour la libéralisation de la contraception. Il dépose une proposition de loi en mai 1966. « La contraception abordait un sujet qui était, disons-le, tabou. Comme on disait à l’époque : Mon brave Monsieur, on ne parle pas de ces choses là ».

Il est convoqué par le Général De Gaulle, alors réticent, pour mieux connaître ses motivations.

Pendant près d’une heure, le Président de la République écoute sans dire un mot. Au terme de l’entretien, Lucien Neuwirth lui déclare : « Mon Général, à la Libération vous avez donné le droit de vote aux femmes. Les temps sont venus de leur donner le droit de maîtriser leur fécondité ! »

« C’est vrai, transmettre la vie, c’est important précise De Gaulle, Il faut que ce soit un acte lucide, continuez ! »

Le 28 décembre 1967, Lucien Neuwirth fit passer une loi qui porte son nom, abrogeant et remplaçant celle de 1920.

Il a fallu attendre 1969 pour que soit publié le premier décret d’application. Celui qui prévoyait le contrôle des fabrications des différents produits contraceptifs, et également cette trouvaille incroyable qui avait été introduite au Sénat à l’époque : le carnet à souche, qui assimilait les femmes prenant des moyens contraceptifs à des toxicomanes.

Pour le Gaulliste que je suis, Lucien Neuwirth restera dans ma mémoire comme un double libérateur : celui de la lutte contre les nazis et celui de la libération contraceptive.

    Vildenay