ON TUE DES JUIFS EN FRANCE, MAIS…
Un idiot utile qui ne sait pas lire et qui ne signe pas – toutes les qualités pour être cité dans une dépêche AFP reprise par Le Figaro, écrit : « Je suis Français, je suis juif et je voudrais que M. Netanyahu me laisse tranquille ! »
Le premier ministre israélien a sans doute mis – à notre insu – un couteau à tort attribué à un arabe, sous la gorge de cet anonyme dont les propos montre qu’il est juif comme moi je suis dragueur de péniche.
Benjamin Netanyahou a annoncé que l’Etat juif va investir quelques « 180 millions de shekels [40 millions d’euros] pour encourager l’absorption des juifs de France, de Belgique et d’Ukraine », trois pays particulièrement à risque selon les services de renseignement israéliens.
On connait des contraintes plus douloureuses.
L’article inventé par l’AFP est une fois de plus prétexte à critiquer Israël : « Serais-je contraint de quitter la France que pour rien au monde, je n’irais en Israël » fait dire la très neutre agence à l’improbable « juif non pratiquant. »
Même propos chez Jacques Bénillouche, le journaliste aux discours qui révoltent même la gauche, dans Slate. Il dénonce – toutes les occasions sont bonnes -« une manœuvre de récupération de la part des politiques qui se sont précipités à Paris pour s’intéresser aux juifs français, par opportunisme ».
16 juifs* ont été tués par des Français, au cours du 21e siècle, soit plus que dans n’importe quel pays européen. C’est ce que Benillouche appelle « l’opportunisme »…
Bourré de préjugés, spécialiste des propos scandaleux qui font polémique, Bénillouche dérape, et accuse les juifs français qui émigrent en Israël d’être des délinquents fiscaux : « de nombreux juifs français ont exploité la Loi du Retour pour devenir Israéliens sans obligation de séjour en Israël. Ils protégeaient ainsi leurs comptes bancaires occultes, non déclarés » écrit-il puisqu’il est bien entendu impossible qu’un juif soit habité d’un amour sincère pour Israël. L’an prochain à Jérusalem, que les juifs prononcent symboliquement depuis 3.000 ans est un détail de l’histoire des juifs.
C’est ce même Benillouche qui avait été hué par un public passablement de gauche, lors d’une conférence à Tel-Aviv. Le fin expert avait suggéré de leur laisser le Golan pour que s’installent un million de Syriens, « pour faire un essai. » On comprend mieux sa prose…
Plus mesuré, très prévisible mais avec la dignité de celui qui ne donne pas de leçons, Guy Birenbaum, chroniqueur à France info explique sur son blog que « ça ira. »
Il déclare, comme beaucoup de mes amis juifs :
Je suis Français. Je suis né sur cette Terre.
Il y a plus de cinquante ans, maintenant.
Avant ma naissance, mon père s’est battu dans la Résistance pour libérer notre pays de l’occupant nazi. Sa plus grande fierté a été de porter l’uniforme de l’armée Française, d’avoir défendu la France. Et d’avoir défilé devant le Général de Gaulle sur les Champs-Élysée, après la Libération de Paris.
Ma mère a été cachée par une famille – Française – pendant toute la durée de l’occupation, juste après la rafle du Vel d’Hiv.
Comme mon frère, j’ai fait toutes mes études dans le public. Et j’ai fini par enseigner à l’Université, faisant la fierté de mes grands-parents.
Tous étrangers.
Presque toute ma famille, la plupart de mes amis, mes proches, mon travail… et même mes pires ennemis sont ici, sur notre Sol.
Quand l’équipe de France de n’importe quel sport joue – curling excepté… – je suis capable du chauvinisme le plus éhonté, de la mauvaise foi la plus Française. Et je porte mon vieux maillot bleu de France, dès que possible (sauf au travail, parce que mon patron n’est pas d’accord).
La Marseillaise me donne des frissons dans tous les stades.
J’aime Bécaud, les Frères Jacques (non pas les Frères Jacques…) et même Mireille Mathieu (hum).
Certes, j’ai de la famille en Israël – salut les cousins ! – mais soyez sûr d’une chose…
Sans juger ceux qui partent – ils ont probablement leurs raisons – je ne cèderai pas un pouce de terrain !
Je vais rester dans mon pays que j’aime.
La France.
Et continuer d’emmerder – à pieds, à cheval et en voiture – tous ceux qui voudraient que nous abandonnions notre pays.
Nous allons rester chez nous !
Et vous savez quoi ?
ÇA IRA !
Des propos sensibles.
Censés ? A voir…
Je lui ai rappelé qu’en 1933, 300.000 juifs ont fui l’Allemagne. 214.000 sont restés. Ceux qui ont fui furent sauvés…
Birenbaum m’a répondu que l’on ne peut comparer car « les moyens de communication par exemple ont un peu changé. »
Je n’ai pas remarqué que « les moyens de communications aient sauvé les Chrétiens d’Orient des massacres, ni la Syrie du chaos », lui ai-je dit. Il reconnait, mais affirme que « plus personne ne peut prétendre qu’il ne savait pas. Et cela change TOUT… »
A cinquante ans, son innocence est rafraichissante.
Birenbaum, cohérent avec lui-même, conclut : « Je suis dans mon pays et je ne fuirai pas. Comme mon père et ma mère ».
Je n’ai pu m’empêcher d’ajouter : certes, mais « vous existez parce que vos grands parents ont fui ».
Sujet complexe. D’autant que de réputation, si vous mettez ensemble trois juifs, ils ont quatre avis différents. De là à semer le trouble et l’opprobre, beaucoup de commentateurs empêchent de rétablir la confiance préalable aux discours d’un gouvernement creux.
* Juifs tués par des Français au 21e siècle :
• Ilan Halimi, torturé et tué par Youssouf Fofana et le gang des barbares en janvier 2006.
• Sébastien Sélam, tué par Adel Amastaibou en 20 novembre 2003 en déclarant à la police : « J’ai tué un Juif, c’est Allah qui le voulait ! Je vais aller au paradis ! »
• Quatre juifs dont trois enfants en bas âge et un blessé à l’école juive Ozar Ha Torah de Toulouse en mars 2012, massacrés par Mohammed Merah.
• Quatre juifs selon la définition des nazis assassinés au musée juif de Bruxelles en mai 2014 par Mehdi Nemmouche.
• Deux juifs tués à Charlie Hebdo en janvier 2015 par Chérif et Saïd Kouachi.
• Quatre juifs tués à Vincennes en janvier 2015 par Amedy Coulibaly.
Jean-Patrick Grumberg, Dreuz.info.