TOUCHE PLUS MON PARC (suite 5 & fin)
Ce tilleul, dont l’âge se situe entre 102 et 106 ans, aurait pu orner le parc pendant trois cents ans encore. Était-il lui aussi un arbre commémoratif. Peut-être. En effet, en 1918 et 1919 de nombreux arbres furent plantés à travers le pays pour célébrer la délivrance que représentait la fin de la terrible guerre de 14-18. Beaucoup de ces arbres étaient des tilleuls. Comme notre spécimen occupait une place d’honneur au milieu de la prairie centrale, il faisait peut-être partie de ces symboles que l’on avait dédié à la paix retrouvée. Qui sait ?
Ne croyez pas, chers sujets de Lovérie, que la défiguration du Parc des Oiseaux va en rester là. Il n’en est rien !
Figurez vous que le grand Tinmartus, plus vert que jamais, a fait entériner par le haut conseil de ses valets un projet immobilier qui va remplacer le Parc des Oiseaux par un ensemble de constructions aseptisées à l’esthétique plus ou moins douteuse. Adieu l’espace vert. Bonjour le béton. Nul ne sait si les membres du haut conseil des valets ont eu la moindre conscience de la couleuvre qu’on leur faisait avaler. En tous cas ils reconnaissent fièrement leur état en arborant sur la place publique la bannière jaune flamboyant du saint patron de la ville, ce bon Saint Cocufian auquel ils portent une indéfectible dévotion. Ce qui est le plus paradoxal c’est que le jaune, non content d’être la couleur de l’homo cornutus, est aussi celle du désert et de la désertification. Du jaune alors qu’on se dit épris de vert. Amusant, non ?
Rassurez-vous, le pire est devant nous. Les arbres restants vont probablement disparaître sous des prétextes plus ou moins fallacieux. A la place vous aurez l’immense joie de voir pousser un enchevêtrement sans charme de maisons dont la Lovérie a si bien le secret.
Lovériens, si vous ne voulez pas voir disparaître jardins, parcs, squares et bosquets, mobilisez-vous. Manifestez avant qu’il ne soit trop tard contre le prochain enlaidissement de votre ville.
Témoignant de notre désarroi à notre grand compositeur et parolier normand, Grondin de l’Eure, nous reçûmes de sa part ce conseil avisé : pour manifester, il vous faut un cri, un hymne de ralliement. Alors, au lieu de devoir brandir un jour la bannière jaune du saint patron de la ville, réunissez-vous et chantez en choeur cet hymne salvateur que je vous offre.
C’est ainsi que furent écrits pour notre combat ces vers magnifiques dédiés à la pérennité et la gloire des arbres de Lovérie.
LA LOVÉRIENNE
Paroles de Grondin de l’Eure
Musique : ad libitum
Allons enfants de Lovérie
Les jours de honte sont arrivés.
Contre nous de l’ignominie
La cognée tranchante est levée (bis).
Entendez-vous de quelle rage
Nos plus beaux arbres on abat.
Ils viennent jusque dans nos parcs
Arracher nos branches, nos feuillages.
Refrain, fortissimo :
Aux arbres Lovériens,
Chassons les bûcherons.
Luttons, hurlons :
Que nos élus
Retrouvent la raison !
Alors, sujets de Lovérie, unissez-vous. Si vous ne voulez pas voir votre ville s’enlaidir, si vous ne voulez pas voir le béton remplacer le peu de vert qui reste. Si vous voulez que votre ville renaisse, réveillez-vous.
Défilez tous ensemble et chantez en choeur ce nouvel hymne salvateur.
Ignare de Layoli