DISSENSIONS ENTRE PRAGUE ET BUDAPEST AU SUJET DE L’UKRAINE
Tchéquie/Hongrie–Pendant de nombreuses années, le groupe de Visegrad ou V4 (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) est apparu comme une entité plus ou moins soudée politiquement, représentant les intérêts spécifiques de l’Europe centrale face aux appétits et aux élucubrations de Bruxelles. L’arrivée d’équipes plus libérales au pouvoir tant à Bratislava qu’à Prague, mais encore plus la question de la guerre en Ukraine sont en train de bouleverser tout cela.
LE BIEN CONTRE LE MAL
En effet, la guerre en Ukraine donne désormais suite – en Occident comme d’ailleurs à Moscou – au développement d’un nouveau manichéisme, simplification classique en temps de guerre, où chaque camp estime représenter le bien affrontant le mal. Une approche simpliste et dangereuse dénoncée récemment par Viktor Orbán.
Or il se trouve que les nouveaux gouvernements libéraux slovaque et tchèque partagent cette vision des choses avec le gouvernement conservateur polonais. Les multiples expériences passées de la Pologne avec la Russie et le contexte historique entre Pologne, Russie et Ukraine font qu’une vision différente n’y est presque pas envisageable pour de multiples raisons. La vision – ouvertement pacifiste et neutraliste – du gouvernement de Viktor Orbán, même si elle trouve ses partisans parmi une partie de la population européenne, se retrouve cependant pratiquement isolée politiquement, jusqu’au sein du V4.
LA HONGRIE SE SINGULARISE
Ainsi le président tchèque nouvellement élu, Petr Pavel, a récemment rappelé lors d’un débat se déroulant au Café Evropa à Prague que « la Hongrie suit sa propre voie depuis longtemps ».
Le fait nouveau réside cependant dans le fait que Petr Pavel – qui se trouvait aux côtés de Věra Jourová, une adversaire de longue date des intérêts hongrois – en tire désormais des conclusions quant au fonctionnement du groupe de Visegrád : « Si nous ne pouvons pas nous entendre sur des questions fondamentales, comme la relation avec la Russie et l’Ukraine, c’est un problème fondamental pour le groupe de Visegrád ».
Ces propos rejoignent par ailleurs les déclarations de Petr Pavel à l’agence de presse TASR au début du mois de février : « Viktor Orbán a beaucoup changé… C’était un jeune libéral très progressiste… mais le virage que Viktor Orbán a pris depuis lors est presque de 180 degrés ».
VERS UN RENOUEMENT DU DIALOGUE ENTRE PRAGUE ET BUDAPEST ?
Pour autant, Petr Pavel ne claque pas encore la porte à l’égard de Budapest : « Nous devrions travailler à rapprocher ces positions à nouveau, si possible, car alors nous n’aurons pas beaucoup de pertinence en tant que groupe ».
C’est dans ce contexte que la présidente hongroise, Katalin Novák, figure ‘‘douce’’ du ‘‘régime Orbán’’, s'est rendue à Prague, ce vendredi 3 mars, afin d’éteindre ce début d’incendie, une mission qu’elle a déjà remplie avec un certain succès auprès de son homologue polonais Andrzej Duda en mai 2022.
Mme Novák s’est d’ailleurs placée dans la perspective de renouer le dialogue dès l’élection de Petr Pavel, écrivant ainsi dans sa lettre de félicitation : « J’ai hâte de travailler avec le Président Pavel pour renforcer encore la coopération entre la Hongrie et la République tchèque dans le cadre de l’Union européenne, de l’OTAN et des quatre pays de Visegrád… Je suis convaincue que des consultations régulières continueront à jouer un rôle important dans le renforcement des liens entre nos pays ».
La Tchéquie, avec la Slovaquie et la Hongrie, ont négocié pour l’exemption de l’embargo sur l’import de pétrole russe jusqu’à fin 2023. Au-delà de cet intérêt commun sur le plan énergétique, la Tchéquie reste cependant très attachée à la coopération régionale sur les plans économiques et militaires, deux domaines où le V4 est plus fort que jamais, quand bien même sur le plan politique la situation est plus morose et plus complexe.