“DOUCE FRANCE, OÙ EST PASSÉ TON BON SENS ?” (Sonia Mabrouk (3)

Publié le

“DOUCE FRANCE, OÙ EST PASSÉ TON BON SENS ?” (Sonia Mabrouk (3)

Valeurs Actuelles : Vous êtes un modèle d'intégration. Qu'est-ce qui a fonctionné avec vous qui ne fonctionne pas avec d'autres ?

Sonia Mabrouk : Il y a, il faut le reconnaître, des conditions qui sont peut-être différentes. J'ai eu une chance inouïe qui s'appelle l'école, et j'ai aussi eu la chance d'avoir des livres à la maison.

Ensuite, il y a la manière dont vous transformez ce que vous avez reçu. Moi, je n'ai jamais été dans une position victimaire, même quand il y a eu des difficultés. J'en ai peut-être eu moins que les autres mais j'en ai eu quand même : je ne me suis pas dit pour autant que c'était de la faute des autres. Je me suis toujours demandé ce qui n'allait pas en moi.

Vous faites un éloge du “bon sens”. Qu'entendez-vous par ce terme ?

Ma définition est assez simple : une sagesse authentique, populaire et instinctive. Mais il suffit de prononcer ce mot pour que des gens vous regardent d'un air suspicieux en vous disant : “C'est ringard, c'est désuet, c'est même populiste.” C'est pour cela qu'il faut en parler.

Vous êtes journaliste sur une chaîne d'information en continu, et vous proposez dans votre livre une autocritique à la fois du métier de journaliste et de l'outil de la chaîne d'info en continu. Comment survivez-vous ?

C'est assez schizophrène, je vous l'accorde. Mais je crois que c'est précisément de l'intérieur qu'il faut essayer de porter un regard critique.

Tout va très vite sur une chaîne d'information, on est souvent dans l'urgence, dans l'instantané. Mais ça ne veut pas dire qu'il faut perdre la boussole du bon sens. Je pense qu'il est possible d'allier vitesse et prise de distance. Et surtout, comme je le dis dans le livre, de voir le monde tel qu'il est et non pas tel que nous [journalistes ] souhaitons qu'il soit.

La souveraineté est, historiquement, la base même de notre démocratie.

Vous avez des exemples précis, dans votre critique…

Oui, le président des États-Unis, Donald Trump, par exemple. Je suis frappée voire choquée qu'à chaque fois qu'on parle de lui on psychologise, on idéologise.

Le bon sens voudrait qu'on se contente de fournir l'information. On peut avoir ses opinions, on peut les défendre dans un débat mais il est problématique de délivrer une information censément brute déjà orientée et idéologisée.

Parmi les exemples que vous citez, il y a également celui des “migrants”.

Mais parce que ces exemples me sautent aux yeux !

Et j'ai pris sur ce sujet le cas d'un pays que je connais bien car il est mon pays d'origine : la Tunisie. Elle a pris sa part au niveau des migrants, notamment libyens après l'intervention militaire franco-britannique. Mais elle a aussi su dire stop quand elle a estimé avoir pris un nombre de migrants suffisant avant de menacer les équilibres identitaire, économique ou politique.

J'ai toujours été étonnée qu'on puisse tenir ce genre de discours de l'autre côté de la Méditerranée, en Orient, et plus généralement dans le Sud ; et qu'on ne puisse pas le faire en France ou en Europe. Tout simplement parce que l'on culpabilise tout le temps les Européens.

On manque, là encore, de bon sens.

 

Entretien animé par Charlotte d'Ornellas et Geoffroy Lejeune

Publié par Valeurs Actuelles le 11 septembre 2019

Publié dans LIBERTÉ D'EXPRESSION

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article