QUÉBEC DOIT «PROTÉGER L’HABITAT» DE L’ESPÈCE

Publié le par Jean-Thomas Léveillé

QUÉBEC DOIT «PROTÉGER L’HABITAT» DE L’ESPÈCE

Le gouvernement québécois doit urgemment protéger l’habitat du caribou, réitère un expert dans la foulée de la publication de nouvelles données alarmantes sur différentes populations de ce grand cervidé.

Trois inventaires de caribous ont été rendus publics par Québec, lundi : celui de la population de caribous montagnards de la Gaspésie (voir encadré), celui de la population de caribous forestiers Nottaway, dans le Nord-du-Québec, ainsi que celui des populations de caribous forestiers Outardes et Caniapiscau, sur la Côte-Nord et au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

L’inventaire de la population Nottaway, dont l’aire de répartition hivernale totalise 19 550 km2, a permis de dénombrer 240 individus, ce qui représenterait une diminution d’environ 28% depuis le précédent inventaire, en 2016, observe le rapport.

Quant à la population de caribous Outardes, 803 individus ont été dénombrés sur une zone de 28 576 km2 lors de l’inventaire de 2022 ; le rapport ne mesure pas l’évolution de la population dans ce secteur, mais les taux récents de survie des adultes et de recrutement « sont sous les seuils estimés pour espérer l’autosuffisance de la population », note le document.

La faible abondance au sud du 51parallèle pose un risque d’extinction local des groupes de caribou retrouvés dans le sud de l’aire de répartition de l’espèce sur la Côte-Nord.

extrait du rapport d’inventaire

Finalement, 329 caribous ont été dénombrés dans l’inventaire partiel du sud-ouest de l’aire de répartition de la population Caniapiscau, une zone de 9 932 km2, où les données démographiques « suggèrent » une croissance de la harde, indique le rapport.

Du « positif », dit Québec

Québec estime que « certains résultats de ces inventaires sont positifs et montrent que les mesures de protection déployées par [le gouvernement] donnent certains résultats encourageants », en dépit du fait que les populations recensées et leurs taux de recrutement demeurent « sous des seuils critiques », a affirmé dans un communiqué le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP).

« J’avoue ne pas trop comprendre où le Ministère voit du positif », a réagi le biologiste Martin-Hugues St-Laurent, professeur en écologie animale à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR).

La population de Nottaway « continue de décliner », la population Outardes est « sous le seuil d’autosuffisance », tandis qu’« on ne connaît pas les taux vitaux » de la population Caniapiscau, résume-t-il.

Ce sont les populations qui ont le plus de chances de bien aller, et ça ne va pas bien, alors quand on va regarder celles qui ont le plus de chances de mal aller, ça ne risque pas d’aller mieux.

Martin-Hugues St-Laurent, Université du Québec à Rimouski

Protéger l’habitat

Les inventaires publiés lundi par Québec « confirment des choses qu’on observe depuis plusieurs années, voire décennies », constate Martin-Hugues St-Laurent.

« La première chose à faire, c’est de protéger de l’habitat [du caribou] » que sont les vieilles forêts, rappelle le chercheur.

« Ça prend un moratoire sur la coupe forestière dans les secteurs qu’il nous reste, dit-il, et il n’en reste pas beaucoup. »

C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en arrivait aussi la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards, qui appelait dans son rapport publié en août dernier à implanter des mesures de protection des grands massifs de forêts matures en attendant la stratégie de protection et de rétablissement du caribou que Québec promet pour juin prochain.

Le gouvernement Legault a-t-il adopté des mesures de protection depuis la publication de ce rapport ?

Le ministre Benoit Charette, désormais responsable du dossier, entend « tenir compte des recommandations du rapport », a-t-il répondu lundi dans une déclaration écrite transmise à La Presse par son cabinet.

« La Stratégie caribou comprendra plusieurs mesures afin de rétablir les populations de cette espèce emblématique », a-t-il indiqué, reconnaissant que les données publiées lundi « confirment le déclin du caribou dans plusieurs secteurs du Québec ».

Caribous de la Gaspésie : stables au bord de l’extinction

La population de caribous montagnards de la Gaspésie demeure au bord de l’extinction, montre l’inventaire annuel de 2021 publié lundi. Seulement 33 caribous ont été dénombrés lors du survol d’une zone de 246 kilomètres carrés (km⁠2) couvrant les monts Albert, McGerrigle et Logan, où se concentrent les caribous pendant la période de rut, contre 29 caribous l’année précédente. Québec y voit « une stabilité démographique de la population », après une baisse significative dans la décennie précédente. La harde de caribous de la Gaspésie comptait quelque 200 individus en 2008, rappelle le biologiste Martin-Hugues St-Laurent, qui estime que les chiffres actuels n’ont rien de réjouissant. « C’est pas les gros chars », lance-t-il. La population de caribous de la Gaspésie demeure dans une « grande précarité », reconnaît le rapport d’inventaire, qui souligne un autre aspect inquiétant : une diminution du taux de recrutement, soit le nombre de faons par femelle.

Diplômé en journalisme international (Université Laval) et en études internationales (Université de Montréal), Jean-Thomas Léveillé a travaillé à CKAC730, à Montréal, puis à la radio et à la télévision de Radio-Canada, à Québec. Il est journaliste à La Presse depuis 2012. Après avoir été reporter international et reporter vidéo, il couvre maintenant l’actualité environnementale.

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Publié dans LES VOIX DU QUÉBEC

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