PETIT RÉSUMÉ DE LA SITUATION BUDGÉTAIRE DE LA FRANCE.
Des armateurs, à qui Louis XVI proposait son aide pour qu'ils puissent résister à la concurrence anglaise, lui répondirent « Sire, sire, surtout ne faites rien ».
Un certain nombre d’entre vous m’ont demandé pourquoi je pensais que la France rentrait dans une espèce de trou noir financier. Je vais développer les raisons qui m’amènent à cette conclusion et ces explications ont tout à voir avec un concept assez simple.
Être en déficit, cela veut dire que l’on dépense plus que l’on ne gagne.
Quand cette situation se produit, il n’y que quatre possibilités :
- Trouver quelqu’un qui va vous prêter l’argent dont vous avez besoin ;
- Vendre des actifs, tels les bijoux de famille, pour combler le trou ;
- Si vous êtes un pays souverain, vous pouvez demander à votre banque centrale de financer ce déficit en faisant tourner la planche à billets. C’est ce qu’ont fait avec le succès que l’on connait la République de Weimar, le Venezuela, le Zaïre etc…et depuis 10 ans la BCE et les USA ;
- Faire baisser vos dépenses au niveau de vos recettes. C’est ce qui firent Thatcher en Grande-Bretagne et Chrétien au Canada. Complètement à exclure si vous avez fait l’ENA.
Depuis des années, les gens au pouvoir en France ont choisi d’abord les solutions 1 et 2, avant que Draghi ne lance la planche à billets de 2012 à 2021, ce qui, bien entendu fît partir à la hausse l’inflation mais permit le financement de nos déficits en « créant de l’argent qui n’existe pas pour financer des dépenses qui ne rapportent rien… » (Rueff)
Le fait qu’un tel financement était interdit par tous les Traités et par la Constitution Allemande ne fût jamais pris en compte, tant il fallait sauver à tout prix le soldat Euro, première étape vers l’État Européen dont personne ne veut, sauf les technocrates non élus de Bruxelles et de Bercy.
Voyons où en est la France aujourd’hui.
Commençons par un graphique résumant la situation de la France en 2023.
La dette est nettement passée au-dessus du PIB et le déficit primaire (hors service de la dette) est à près de 5% du PIB d’aujourd’hui.
La question qui importe est donc la suivante : de quel montants la France aura t’elle besoin d’abord dans les 12 mois qui viennent, puis dans les années suivantes, pour équilibrer son budget.
Réponse : La ‘‘duration’’ de la dette française est d’environ 7 ans.
En termes nominaux, la dette française est montée de 700 milliards depuis 7 ans. Ce qui veut dire que chaque année la dette à amortir ou à repayer représente à peu près 100 milliards d’Euros.
A ce refinancement (nous n’avons pas le premier sou pour amortir la dette puisque nous sommes en déficit primaire), il faut rajouter le déficit des 12 prochains mois, soit environ 125 milliards, ce qui nous amène à 225 milliards d’Euros.
Mais ce n’est pas fini.
Grace à monsieur Draghi, la France a pu financer une dette explosant à la hausse car, les taux d’intérêts pendant 10 ans restèrent à zéro ou même négatifs (!), pour sauver l’Euro bien sûr.
Que vous empruntiez 1 milliard ou 1000 milliards, si les taux sont à zéro, le service de la dette est de zéro, ce qui facilite les fins de mois.
Mais dès que les taux se remettent à monter, le service de la dette explose.
C’est ce que montre mon deuxième graphique.
De 2009 à 2020, la TAILLE de la dette française a quasiment doublé, tandis que le SERVICE de la dette diminuait de moitié.
Ce qui est ahurissant. Merci monsieur Draghi !
Mais avec les taux qui sont passés brutalement de 0% à 3%, le service de la dette vient de doubler passant de 30 milliards/an à près de 60 milliards/an
C’est à ce point qu’il faut comprendre que l’an dernier déjà nous avons eu environ 100 milliards d’euros qui sont arrivés à échéance et qui à la place de payer 0% vont devoir payer 3%. La hausse des taux dont on voit le résultat sur le graphique a porté sur cette première tranche.
Mais c’est loin d’être fini.
Cette année une deuxième tranche de 100 milliards verra son coût augmenter, puis une troisième et ainsi de suite, et si les taux continuent de monter le service de la dette augmentera de la hausse des taux multipliée par la hausse de la dette arrivant à échéance.
Il me semble donc raisonnable d’anticiper une augmentation annuelle du service de la dette de 20 milliards au minimum par an.
Et, si les taux passent à 5%, le service de la dette peut doubler à nouveau puisque sur 7 ans à 5% le service de 2000 milliards de dettes (qui va passer à 2500 milliards en 5 ans) atteindra 100 milliards contre 30 milliards l’an dernier.
Résumons-nous.
Besoins de financement annuel pour les années qui viennent
Au minimum 100+125+20 = 250 milliards d’euros pour cette année et plus pour les années suivantes puisque la France est en déficit primaire, c’est-à-dire qu’elle doit emprunter pour payer les intérêts sur sa dette (ce qui n’est pas le cas de l’Italie). En termes techniques la France est en cavalerie, empruntant pour payer les intérêts sur sa dette passée.
L’état français va devoir emprunter chaque année qui vient environ plus de 12% du PIB, ce qui me parait très supérieure aux capacités d’épargne des Français.
Cela peut ‘‘passer’’ si les taux ne montent pas, et si les étrangers qui tiennent cette dette accepte de resouscrire aux nouvelles émissions.
S’ils demandent à être remboursés tandis que les taux montent, cela ne passe pas.
Il me semble que ces étrangers (Qatar, Arabie Saoudite, Fonds de pension Hollandais, Chine etc…), qui peuvent faire ces calculs aussi bien que moi, vont probablement choisir de ne pas re-souscrire quand les dettes qu’ils détiennent arriveront à échéance.
Et comme ces étrangers détiennent 50% de nos dettes…
Reste la BCE.
Mais les Allemands en ont assez des facéties budgétaires et monétaires des Français ou des Italiens.
A l’évidence, et avec beaucoup de tristesse, les Allemands aideront la France comme ils ont aidé l’EDF.
De fait, si les étrangers refusent de maintenir leurs positions en dettes françaises tandis que nos taux montent, il n’y a qu’une solution : mettre la France sous la coupe des USA et de l’Allemagne, je veux dire du FMI et de la Commission Européenne.
La conclusion est simple : dans les années qui viennent, dans tous les cas de figures, nous serons à la merci des étrangers et nous perdrons notre souveraineté fiscal au profit, soit de ceux qui détiennent déjà des positions et qui prélèveront leurs livres de chair pour réinvestir, soit du FMI et de la Commission Européenne.
Avec une France ayant perdu toute souveraineté fiscale, les uns et les autres pourront sans nul doute acheter les bijoux de famille français à très, très bon compte, un peu comme cela avait été le cas pour l’Asie à la fin du siècle dernier.
L’orgueilleuse Nation, la France, comme l’appelait Bismarck sera enfin soumise.
Je ne crois pas que le monde en sera meilleur.
Et je ne crois pas non plus que la population française sera très heureuse d’être soumise aux ordres de princes arabes ou d’un consortium Germano-Américain.
Ma recommandation reste la même : Vendre la dette française, achetez les bijoux de famille français, des obligations asiatiques et de l’or (voire mes articles précédents sur le portefeuille IDL) et détenir ce portefeuille en Suisse ou à Singapour.
Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “Des Lions menés par des ânes“ (Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).
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