L’EUROPE DOIT REBÂTIR SA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE NAVALE

Publié le par Gildas Le Breton

L’EUROPE DOIT REBÂTIR SA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE NAVALE

La désindustrialisation fait peser un lourd risque sur l’autonomie stratégique de l’Europe. La situation de notre construction navale en est l’emblème, notamment face au risque stratégique de la domination maritime chinoise.

L’analyse du Sénateur Alain Cadec, Sénateur des Côtes-d'Armor :

La construction d’un pétrolier Danois dans un chantier naval de la ville de Dalian, dans le nord-est de la Chine en 2008.|AFP ARCHIVES/TEH ENG KOON (Ouest-France Alain CADEC). Publié le à 07h00. Newsletter La Matinale

Le lancement du paquebot France en 1960 est resté comme un symbole de l’excellence industrielle française. Le Général De Gaulle salua une réussite de la « technique française » et insista sur le fait que la souveraineté politique repose sur l’indépendance économique donc sur la capacité industrielle.

Ce bon sens s’est dilué au fil des ans, emportant avec lui une grande partie de l’industrie maritime européenne. Alors qu’en 1960 l’Europe était le leader mondial de la construction navale, elle représente aujourd’hui moins de 10% de la production et n’existe quasiment plus sur les marchés des grands navires de transport.

Les armateurs européens – leaders mondiaux du transport maritime – passent l’essentiel de leurs commandes en Asie, où les prix sont nettement plus bas. Les chantiers chinois produisent désormais près de la moitié des commandes mondiales. Contrairement à l’Europe, la Chine considère la construction navale comme un secteur stratégique pour sa puissance maritime. Elle a donc mis tous les moyens possibles dans la domination de ce marché, y compris via du dumping que l’Organisation Mondiale du Commerce n’a pas pu contrer.

La construction navale est emblématique du risque que la désindustrialisation fait peser sur l’autonomie stratégique de l’Europe. La Chine est un rival stratégique en expansion et sera peut-être un jour un ennemi. L’Europe doit donc se préparer au risque du pire scénario. 80% du commerce extérieur européen se fait par voie maritime mais une grande partie de la flotte est financée par des banques chinoises et construite par des chantiers chinois. Qu’adviendrait-il de cette flotte si la Chine devenait hostile ?

Faute politique

Avoir ignoré ce risque stratégique est une faute politique. Nous avons été anesthésiés par les gains faciles de la mondialisation en ne voyant que des prix bas et en nous réfugiant dans la croyance illusoire que nos fournisseurs sont bien intentionnés. Nous avons donc laissé notre industrie s’effriter. Nous avons aussi dégradé son image et celle de ses métiers.

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Nous ne pouvons pas laisser l’industrie navale européenne s’effondrer ! Elle a encore le savoir-faire et l’excellence technologique pour consolider une base industrielle en Europe et conquérir les nouveaux marchés stratégiques de la décarbonation du transport maritime et de l’installation des énergies renouvelables en mer. Cette capacité industrielle est également essentielle pour la marine militaire, qui peut ainsi bénéficier du savoir-faire civil et d’économies d’échelle.

L’Europe doit donc rapidement mettre en place une politique industrielle navale pour rebâtir sa souveraineté industrielle maritime, avec deux objectifs :

1) Rendre les chantiers navals européens plus attractifs pour les armateurs européens. Il faut pour cela réduire la différence de coût par rapport à leurs concurrents asiatiques et limiter les risques pour les investisseurs en combinant intelligemment des avantages fiscaux, des subventions des fonds européens et des garanties de la Banque Européenne d’Investissement.

2) Attirer et former une main-d’œuvre qualifiée. Les métiers de la construction navale sont hautement qualifiés. Il est indispensable de promouvoir leur image et d’assurer des formations adaptées aux besoins de l’industrie.

En retrouvant la fierté de la souveraineté industrielle, l’Europe reprendra le contrôle de sa sécurité économique et assurera son autonomie stratégique, tout en mettant son excellence technologique au service d’une économie maritime durable.

Enfin !

Enfin un de nos représentants tire la sonnette d’alarme contre l’abandon de la construction navale européenne.

Le Japon, puis la Corée et maintenant la Chine ont réduit à peau de chagrin les vouâmes livrés par les chantiers européens.

La construction de tous les types de navires ont petit à petit. Le Japon avait une longue expérience, ils ont pris le marché des super-pétroliers (la France en construisant les Balaya et Pierre Guillaumat a fait illusion) que la Corée d’empresser de reprendre. La Chine, ses coûts de production bas, ne s’est pas contentée des super-pétroliers : porte-conteneurs puis transporteurs de gaz dont on pensait qu’ils étaient trop sophistiqués pour que ce marché nous échappe. Mais les fabricants principalement européens de moteurs, de membranes pour le gaz ont vendu leurs licences. Les Chinois développeront rapidement leurs propres équipements qu’ils présenteront mieux aux armateurs.

Les chantiers européens se battent l’un contre l’autre pour tenter de survivre : les Chantiers de l’Atlantique intéressait Finincantieri pour sa forme la plus grande d’Europe. A1 mettre en parallèle d’ailleurs avec celle de Brest que Damen a récupéré.

L’abandon de la construction navale civile en Europe est un danger pour notre souveraineté économique, la Chine pourrait décider de retarder les livraisons de navires dont nos armateurs ont besoin en favorisant leur pavillon

Cet abandon est aussi un danger pour notre construction navale militaire : s’il ne restait que les arsenaux pour des ouvriers hautement qualifiés, seraient-ils assez attrayant pour conserver les compétences. En deçà d’un certain nombre de techniciens les compétences seront irrémédiablement perdue.

La Chine a une vision à long terme, un terme bien plus long que nous en Europe : asphyxier la construction navale européenne c’est faire de cette région du monde une région dépendante de l’Empire du Milieu et venger les traités iniques du XIXème siècle.

L’Europe devrait organiser un Seabus, sur le modèle d’Airbus,  fusionner ses chantiers qui se battent pour obtenir les derniers marchés de paquebots alors que la Chine s’est mise sur le marché et garder les compétences que nous transférons sans limite en Chine.

J’espère, Monsieur le Sénateur, que votre tribune sera écoutée.

Le temps presse !

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