FAUT-IL AIMER LA FRANCE ?
Vous êtes-vous déjà demandé si l’amour que vous avez pour votre pays la France est mérité ? Si la France vous rend cet amour en retour ? Si votre amour a changé ?
Nous lisons de préférence des médias qui renforcent nos opinions, ou qui les justifient. Nous évitons ceux dont les idées nous agressent, nous déplaisent, nous dérangent, ceux dont nous contestons les positions. Mais n’est-ce pas nous installer dans un confort intellectuel qui endort, sur certains sujets, notre sens critique ?
Dans un article récent, je disais ma sympathie pour le peuple français qui a été défiguré, balafré, remplacé, et qui selon moi disparaît, sacrifié depuis le gouvernement Giscard d’Estaing et tous les gouvernements suivants, qui aiment la diversité et les étrangers plus que les Français.
Certains de mes lecteurs ont, étrangement, peu apprécié mes remarques et mes signes de sympathie, qui leur viennent de l’étranger- eux qui pourtant expriment les mêmes de façon très vocale. Ils semblaient dire en substance qu’eux ont le droit de critiquer, pas un étranger. Cela a nourri ma réflexion.
- Dans le camp de la gauche, être politiquement incorrect consiste par exemple à se demander si l’immigration est vraiment une chance pour la France – rien que poser la question est scandaleux.
- Dans le camp de la droite, être politiquement incorrect, c’est cette question que je pose : pourquoi faut-il aimer la France ? Qu’y a-t-il à aimer et ne pas aimer ?
Etre politiquement incorrect, quel que soit le camp, c’est s’assurer une volée d’insultes, et peu de gens ont le courage de le faire. Il se trouve que rien ne m’effraie, et que je n’ai aucune opinion politique. Alors je pose la question.
Posez-vous-la aussi.
Les trois institutions démocratiques
° L’exécutif : depuis disons une quarantaine d’années, l’exécutif s’est-il comporté comme une organisation qui prend des décisions pour vous, dans votre intérêt, pour votre mieux-être, ou, plus vaguement, pour lever les obstacles qui vous entravent dans votre vie de tous les jours ? A-t-il été à la hauteur de l’amour que vous portez à la France ? Vous a-t-il rendu cet amour ?
° Même question pour le législatif : le Parlement a-t-il voté des lois dans votre intérêt, pour votre mieux-être ? Vous semble-t-il qu’il a vos intérêts au cœur de ses préoccupations de chaque instant ?
° Même question pour le judiciaire : les lois servent-elles vos intérêts ? Vous protègent-elles bien comme on protège celui qu’on aime ? Les tribunaux vous semblent-ils appliquer une bonne justice qui montre qu’ils aiment les Français ? Les juges prennent-ils des jugements qui vous semblent justes et équitables, et à la hauteur de la grande confiance que vous avez dans la justice de votre pays ?
Les grands corps sociaux
- L’Éducation nationale vous semble-t-elle protéger votre culture ? Transmet-elle avec amour votre héritage culturel, vos racines, à vos enfants qu’elle est chargée d’éduquer ? Incite-t-elle vos enfants à aimer la France ? Leur transmet-elle les valeurs essentielles, le sens civique, la fierté de la France et celui d’être français, la beauté de la langue, le désir de la réussite et de l’excellence, les grands accomplissements de la France ?
- Les Administrations font-elles des efforts immenses pour vous apporter un service exceptionnel ? Se mettent-elles en quatre pour satisfaire vos demandes, traiter vos soucis, régler vos problèmes qui relèvent d’elles ? Vous traitent-elles en ami que l’on cherche à aider ?
- Votre réseau télévisé d’Etat, France Télévision, ses radios d’État, votre agence d’information d’État, l’AFP, diffusent-ils les valeurs importantes de la France ? Apportent-ils la neutralité et la qualité de l’information que l’on peut attendre d’un organisme au service de tous les Français, quelles que soient leurs opinions politiques ?
- La Sécurité sociale vous apporte-t-elle une assurance santé de premier ordre au meilleur coût ? D’ailleurs, dans un pays où tout commerçant qui n’affiche pas clairement son prix est passible d’une lourde amende, savez-vous vraiment en toute transparence combien elle vous coûte, votre assurance santé, entre la part qui est retenue sur votre fiche de paye et celle qui est payée par votre employeur ? Avez-vous la liberté de vous assurer pour ce que vous voulez, ou devez-vous payer pour des choses qui ne vous concernent pas ou vous heurtent profondément, comme par exemple l’avortement si vous êtes un chrétien anti-avortement ? Avez-vous cette faculté – ce serait un beau geste généreux – de ne pas vous assurer si vous vous considérez en parfaite santé et pensez ne pas avoir besoin d’assurance ?
- Votre Police et vos gendarmes assurent-ils bien votre sécurité ? Autrement dit, pouvez-vous vous promener seul le soir partout en France ? Si la France vous aime en retour de l’amour que vous lui portez, c’est le plus beau geste qu’elle peut vous offrir, et en même temps, le premier geste.
L’amour est aveugle, je sais. Il doit être réciproque également, me semble-t-il. Il est bon d’être aimé en retour, ne trouvez-vous pas ? Vos racines, vos ancêtres qui ont fait la France, se sont battus pour la France, sont morts pour la France, sont-ils respectés, honorés, aimés, défendus par une France qui les aime ?
Pour moi, la gastronomie, les vins et alcools, la parfumerie française dominent de loin le monde, l’architecture non récente et la mode y sont parmi les plus belles du monde. La femme française sait être élégante même avec trois fois rien. Les paysages aussi. Le style aussi (à part le design industriel, une catastrophe). Mais tout cela, n’importe quel touriste le reconnaît et l’apprécie. Cela peut faire de lui un amoureux de la France, mais pas quelqu’un qui aime la France au sens où les Français l’aiment.
Certains vont penser – et ils auront tort – qu’avec toutes mes questions, je cherche à discréditer, abaisser, fragiliser des symboles, un idéal. Je suis, au contraire, authentiquement intéressé à comprendre les mécanismes de l’amour de son pays par ceux qui le critiquent constamment.
Et si vous voulez m’insulter tout de même parce que j’ose poser des questions qui dérangent, des questions politiquement incorrectes et que cela n’est pas une chose qui se fait, ne vous gênez surtout pas, j’ai le cuir très épais, rien ne m’atteint, tout m’intéresse.
Texte publié le 2 novembre 2017…
© Jean-Patrick Grumberg
avec l’aimable autorisation de Dreuz.info.
Jean Patrick Grumberg est journaliste.
Dans les années 70, il a travaillé sous la direction de Georges Wolinski à Charlie mensuel, puis a été chef d'entreprise, lobbyiste.
Il est contributeur au site de Pamela Geller, Dreuz.info et d'autres médias anglophones et francophones comme Cnews.
Monsieur Jean-Patrick Grumberg,
Votre article du 02 novembre 2017, intitulé «Faut-il aimer la France ? ne m’a pas laissé de marbre, comme aucun de vos articles, d’ailleurs, tous emprunts d’une grande pertinence et d’une grande intelligence.
Merci de poser la question ; nous nous la posons presque chaque jour, ici en France. À soixante ans passés, je me la suis posée dix mille fois, mais aujourd’hui la réponse m’effraie.
Je suis d’accord avec vous quand vous dites que la situation s’est dégradée depuis Giscard d’Estaing ; ce bellâtre se rêvait président de l’Europe et la France était devenue trop petite pour sa grosse tête d’œuf et de polytechnicien. Lui et les présidents qui ont suivi n’ont fait que descendre les escaliers de l’Élysée. Pas un seul n’a été digne, depuis, de ce qui était jadis la légitimité et la grandeur d’un Roi de France. Nous avons vénéré des grands rois, des petits, des empereurs et des présidents du conseil. Notre histoire est un roman que le monde entier nous envie et les philosophes allemands du XIXe ne concevaient même pas la Science autrement écrite qu’en français. Las, on crache dessus aujourd’hui, on se demande pourquoi.
À la télévision, récemment, un Français (breton, originaire de Lorient) résidant depuis plusieurs années à Singapour avec sa famille, disait à un journaliste que pour lui le sentiment d’être Français se résumait à une formule simple mais profonde : quand il lui arrivait d’entendre le son d’un biniou ou d’une cornemuse sur des ondes radio ou télé, il comprenait qu’il y avait « le pays que l’on habite et le pays qui vous habite » : son pays était sa Bretagne natale et il mourrait avec elle au fond du cœur.
Vos questions, Monsieur Grumberg, et les réponses que vous vous faites, nous nous les faisons également, avec un chagrin grandissant. Il y a beaucoup d’indifférence, de renoncements, de spéculations, de je-m’en-foutisme et d’égoïsme autour de nous. Pour ma part, je comprends mieux aujourd’hui ce qu’a été la collaboration avec l’ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale ; nous ne vivons pas autre chose qu’une collaboration, sinon une « Soumission » comme l’a très bien ressenti Michel Houellebecq. J’ai relu récemment « Le premier cercle » de Soljenitsyne ; non plus de façon dégagée, comme en 1970, mais avec une sorte d’angoisse prospective (Freud dirait une « angoisse d’attente »)
Les mécanismes de l’amour de son pays participent de la construction de la psyché humaine et celle de la civilisation. Je suis atterré par le nombre de Français qui s’en contre-foutent. Ceux qui sont incapables de cet amour ne mériteraient pas qu’on leur prête attention ; mais ils sont devenus puissants et méchants. Non bien sûr que ce n’est plus réciproque !
Trop belle, la France, comme la Joconde, est en déshérence.
© Georges Balcon pour Dreuz.info.
Initialement publié le 19 novembre 2017