INCERTITUDES CLIMATIQUES (4/6) La crise climatique n’est plus ce qu’elle était !
La ‘‘crise climatique’’ n’est plus ce qu’elle était. Vers 2013, avec la publication du cinquième rapport d’évaluation du GIEC, le scénario d’émissions extrêmes RCP8.5 était considéré comme le scénario d’émissions correspondant au ‘‘business as usual’’, avec un réchauffement attendu de 4 à 5°C d’ici à 2100.
Aujourd’hui, il est de plus en plus communément admis que ce scénario est invraisemblable, et que c’est le RCP4.5 qui est probablement le scénario correspondant au niveau actuel de nos émissions comme le suggèrent les rapports publiés lors des COP 26 et 27.
Il y a quelques années seulement, une trajectoire d’émissions conforme au scénario RCP4.5, correspondant à un réchauffement climatique de 2 à 3°C était considéré comme un succès de la politique climatique. Aujourd’hui un réchauffement limité à 2°C semble être à portée de main, les objectifs ayant été déplacés en 2018 pour réduire la cible de réchauffement à 1,5° C.
La rhétorique de la catastrophe climatique semble s’être déplacée vers les événements météorologiques extrêmes. Or, pour presque tous ces événements, il est difficile d’identifier un quelconque rôle du changement climatique d’origine humaine dans l’augmentation de leur intensité ou de leur fréquence.
Perception erronée du risque climatique
Les principaux médias sont actuellement inondés d’articles écrits par d’éminents journalistes qui nous expliquent que certes, le réchauffement climatique est moindre que celui que nous attendions, mais qu’il faut continuer à sonner le tocsin de l’urgence climatique car les impacts du réchauffement sont pires que ce que nous pensions, en particulier en ce qui concerne les événements météorologiques extrêmes. L’attribution d’événements météorologiques et climatiques extrêmes au réchauffement climatique est désormais la principale raison d’une transition rapide vers l’abandon des combustibles fossiles.
Ce raisonnement nous plonge dans la confusion. Il existe deux types de risques distincts provoquées par le changement climatique. Le premier concerne les impacts de la lente progression du réchauffement climatique sur l’élévation du niveau de la mer, la pénurie d’eau à l’échelle régionale et les ‘‘points de bascule’’ hypothétiques.
Le second concerne les événements météorologiques extrêmes et la variabilité climatique interannuelle, qui n’ont en réalité que peu ou rien à voir avec le réchauffement climatique.
La stratégie proposée pour gérer les deux types de risque consiste à éliminer les émissions de CO2. Cette stratégie pourrait avoir un intérêt au 22e siècle, mais est inopérante pour faire face aux risques associés aux phénomènes météorologiques extrêmes. Les solutions appropriées pour faire face à ce type de risque sont fondamentalement régionales, et passent par le développement économique et la réduction de la vulnérabilité.
« L’urgence climatique » est la justification avancée pour réduire dans l’urgence le risque supplémentaire lié aux émissions. Les efforts entrepris pour réduire les émissions augmentent la précarité de l’alimentation en énergie, ce qui paradoxalement limite notre capacité à faire face aux situations d’urgence.
En bonne logique, si le réchauffement est inférieur à ce qui était prévu, mais que ses impacts sont pires que nous le pensions, alors les priorités devraient se déplacer de l’atténuation des émissions de CO2 vers le développement et l’adaptation.
Cependant, cela n’est pas le cas !
(suite mardi prochain)
Judith Curry
Association des Climato-Réalistes
Judith Curry est Présidente Climate Forecast Applications Network.
Professeur émérite Georgia Tech
Blog : Climate Etc. http://judithcurry.com
Auteur de Climate Uncertainty & Risk (Amazon.fr)